Métro ou tramway ? Un choix politique

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Tramway de Toulouse. Photo / CTI

Un vieux débat qui hante la question du transport à Toulouse depuis une trentaine d’années est de savoir s’il vaut mieux favoriser le métro ou le tramway. La question n’est pas tranchée, puisqu’elle ressort à chaque échéance électorale, et à chaque projet d’extension du réseau.

 

Précisons tout d’abord que le métro dont nous parlons ici est le modèle actuellement en service sur les lignes A et B, il s’agit du VAL, Véhicule Automatique Léger. Il s’agit donc d’un métro de petit gabarit, sans chauffeur. Il ne peut pas y avoir de débat entre un métro « classique », comme il y en a à Paris, et un tramway. Un métro standard a en effet une capacité de voyageurs bien plus importante, alors que le VAL est lui de taille comparable au tramway.

 

Métro vs tramway

 

Chacune des deux possibilités a ses avantages et ses inconvénients. L’installation d’un métro est plus prestigieuse, et ne cause que peu de désagréments aux riverains, les travaux étant souterrains. Au contraire, l’arrivée du tramway signifie des trimestres de travaux et de gênes. Toutefois, passée cette période difficile, les zones traversées par le tramway bénéficient généralement d’une plus-value conséquence en termes de qualité de vie et de valeur immobilière. L’aménagement d’un tramway va également souvent de pair avec la création d’un réseau cyclable parallèle en site propre. Le métro se révèle plus couteux, à cause principalement du creusement et de l’aménagement des tunnels, et du creusement et de la construction de grosses stations souterraines avec ascenseurs et escaliers automatiques. Au contraire, les voies du tramway se suffisent à elles-mêmes, et les ses stations extérieures consistent en un simple quai surélevé, un abri, un composteur et un automate vendant des billets. Le métro nécessite donc une infrastructure bien plus lourde que le tramway, alors que c’est la construction du tramway qui provoque un chaos total dans les quartiers concernés. Il s’agit là d’un paradoxe essentiel. Au niveau des franchissements, les deux modes se rejoignent. Passer la Garonne est par exemple une grosse difficulté pour le métro qui nécessite alors un tunnel spécial. Ceci explique que la ligne B ait bifurqué vers Borderouge alors qu’il était prévu qu’elle aille vers l’aéroport. Le tramway doit lui partager un pont existant, si celui-ci est apte à supporter cette surcharge et les vibrations liées, voir nécessiter un nouveau pont comme pour la lignette de substitution qui a franchi récemment la rocade Arc-en-Ciel pour desservir prochainement l’aéroport.

Au niveau de l’usage, le métro automatique permet d’économiser les salaires des conducteurs. Mais il s’agit là d’un gain en trompe-l’oeil, puisque les chauffeurs sont remplacés par des vigiles présents à chaque entrée de station. La masse salariale peut donc être considérée comme étant à peu près identique. Le métro engendre également un coût énergétique supérieur, avec l’éclairage des stations et des tunnels, les escalators et ascenseurs, et le chauffage et la climatisation des stations. Il y a également un surcout en matière de nettoyage des stations pour l’option métro. Au contraire, l’éclairage du tramway ne nécessite qu’un faible appoint vis-à-vis de l’éclairage public préexistant. De même, le nettoyage des petites stations de tramway participe directement à la politique de nettoyage de l’espace public. Le métro a donc un coût d’entretien supérieur, mais il ne gêne pas la circulation (automobile, cycliste et piétonne) en coupant les voies des autres modes de déplacement, il ne crée pas de gêne sonore, et il est bien plus rapide sur une distance identique. De plus, les cadences des rames de métro sont supérieures à celles de rames de tramway, avec la possibilité d’une forte densité de rames en période de pointe. L’avantage est ici clairement pour le métro, le tramway étant en difficulté en période de pointe et vis-à-vis des autres usagers de l’espace public qui envahissent alors son espace et se retrouvent régulièrement sous ses roues. Le système de portes automatiques du VAL empêche les accidents, alors que le tramway blesse et tue régulièrement.

Au niveau des modifications, le tramway est bien entendu plus souple. Le doublement de la taille des rames de la ligne A est ainsi évalué à 300 millions d’euros à cause des travaux nécessaires dans quelques stations non adaptées. Il serait possible d’envisager le doublement de la ligne A de façon économique. Seules les portes centrales s’ouvriraient alors aux stations non adaptées, les portes aux extrémités restant fermées. Les passagers devraient alors s’organiser, mais en quelques jours le pli peut être pris. Doubler la taille d’un tramway serait au contraire peu couteux. Il est toutefois préférable d’avoir une vision d’ensemble du futur réseau de tramway envisagé, pour anticiper les futurs embranchements et éviter ainsi des surcouts. L’infrastructure du tramway peut également souffrir des intempéries. Les voies, le caoutchouc faisant contact entre le rail et la roue (pour limiter le bruit notamment) et les pavés de la chaussée, peuvent ainsi être endommagés par les températures extrêmes et provoquer de couteux remplacements, et une immobilisation des rames.

 

Un choix politique

 

Le choix entre métro et tramway est donc un choix politique, en fonction de la vision de l’aménagement et de la gestion de l’espace urbain, mais aussi de la situation de celui qui propose. Choisir le tramway permet de réaliser avec un budget identique un réseau bien plus étendu, et ainsi desservir au plus près une population plus importante. Le métro, lui, provoque une logique de rabattement des voyageurs vers des corridors desservis. Cela est flagrant à Toulouse avec des bus qui servent à ramener les usagers vers les stations de métro. La ligne B est également symptomatique de cette difficulté du métro à desservir large, cela l’oblige à serpenter de façon grotesque, et ainsi à rallonger le temps de trajet. Le débat métro-tramway était très fort au cours des années 80, suite au concours Cavaillé (secrétaire d’État aux transports et élu municipal toulousain) qui visait à favoriser la mise en place d’une filière industrielle capable de produire un « métro léger » attractif et adapté. Les tramways calamiteux du début du siècle, obsolètes et dangereux, étaient encore présents dans les mémoires. Le terme « métro léger » correspond donc tant aux tramways de nouvelle génération qu’aux métros de petite capacité. Lors de cette première phase de retour des transports collectifs lourds, il est intéressant de constater que lorsqu’il y avait débat sur le type de transport léger à retenir, le métro était l’argument des équipes en place, et le tramway celui des outsiders, indépendamment des couleurs politiques. C’est donc plus le choix des électeurs envers la majorité sortante ou l’opposition, qu’une approche gauche-droite, qui explique la mise en place du métro ou du tramway. À Bordeaux ce phénomène se manifeste au sein même de la majorité municipale RPR, où l’élu parisien Alain Juppé débarque en 1995, et une fois élu fait le ménage dans sa majorité en écartant les ténors de l’équipe précédente, et avec eux le projet de métro. De même, l’hégémonie socialiste à Rennes depuis 1977 permet au projet de métro de survivre, malgré des retards et surcoûts conséquents.

Une deuxième vague d’équipement a eu lieu au cours des années 2000, avec une extension des réseaux et l’arrivée de nouvelles villes, qui ont cette fois toutes choisie le tramway, qui avait gagné grâce à Nantes et Strasbourg une très bonne image. Toulouse a cumulé en étendant son réseau métro et en construisant un tramway. Ce dernier souffre de la comparaison avec ses homologues des autres grandes villes. Relégué loin des grands axes et chassé des boulevards, le tramway toulousain-blagnacais subit un manque évident de volonté politique de lui faire une place. Il zigzague donc comme une poule sans tête en enchainant les angles droits, ce qui l’oblige à se trainer comme une limace rhumatisante. Il bat des records de lenteur à être distancé par un papi sur un vélo rouillé. L’extension Garonne, sans ambition et au tracé contestable est du même tonneau. Actuellement à Toulouse, le tramway perd donc sur toute la ligne face au métro.

 

Le BHNS, tramway du pauvre ?

 

Le débat métro-tramway semble aujourd’hui calmé un peu partout en France. Le projet de troisième ligne l’a rouvert localement à Toulouse, mais du fait du choix massif des grandes villes pour le tramway, les projets d’extension du réseau se sont transformés en débats tramway-Bus à Haut Niveau de Service (BHNS). Le BHNS est une sorte de tramway discount adapté aux trajets de liaisons périphériques et de rabattement sur les axes principaux. Les contraintes budgétaires peuvent pousser certaines équipes municipales à courte vue à choisir un BHNS pour des trajets urbains. Mais comme « tramway » qui était un mot tabou jusqu’il y a peu, l’indigeste sigle BHNS ne porte avec lui aucune des valeurs positives du tramway, et a toutes celles négatives du bus. À prescrire donc en zone urbaine, et notamment en période préélectorale sous peine de rejet massif des populations riveraines. Toute ressemblance avec des faits réels n’est évidemment pas fortuite.

 

Julien Faessel