Denis Lamblin et Stéphanie Toutain : « l’alcool pendant la grossesse endommage toutes les heures le cerveau d’un enfant »

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La consommation d’alcool pendant la grossesse peut entraîner, pour l’enfant à naître, des tableaux cliniques très divers le plus souvent peu visibles car conséquence de l’atteinte du cerveau, organe le plus sensible au toxique.

 

La forme la plus expressive appelée syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) est considérée par la recherche épidémiologique française comme la première cause de handicap mental non génétique pourtant évitable par l’absence de toute consommation d’alcool pendant la grossesse. Les formes partielles limitées à l’atteinte isolée du cerveau représentent la partie immergée de l’iceberg. Elles s’expriment avec la maturation de l’organe, souvent des années après la naissance (après 6 ans) par des difficultés d’apprentissages scolaires et du comportement.

Malgré les campagnes de prévention et l’apposition d’un logo sur tous les contenants de boissons alcoolisées, près de 20% des femmes en France consomment encore de l’alcool pendant leur grossesse. De ce fait, 700 enfants naissent porteurs de la forme sévère de ce syndrome chaque année et chaque heure un enfant naît avec un cerveau endommagé à vie.

Découverte au niveau mondial par le pédiatre Paul Lemoine en 1968, la forme la plus apparente, et souvent la plus sévère, se caractérise par une dysmorphie faciale, un retard de croissance, des malformations d’organes mais surtout par des lésions cérébrales irréversibles se traduisant parfois par une déficience intellectuelle et/ou des  troubles des apprentissages. Les autres formes liées à l’atteinte du cerveau par ce produit tératogène[2] peuvent aussi donner une déficience intellectuelle, mais le plus souvent entraînent des troubles cognitifs (abstraction, planification, attention, mémoire…) et de l’autocontrôle. Ces troubles se traduisent à partir de l’âge de 5/6 ans par des difficultés d’apprentissages scolaires et de l’adaptation sociale, souvent mal interprétées par les enseignants et les psychologues scolaires. En l’absence d’accompagnement et de prises en charge spécifiques, le risque d’évolution vers l’exclusion sociale (scolaire, professionnelle), voire les addictions et la délinquance (population influençable, à faible capacité de discernement…) est majeur à l’adolescence et à  l’âge adulte.

Une détection précoce des déficiences et inaptitudes est impérative chez ces enfants, afin de leur proposer un environnement adapté. Enfin, la recommandation « Zéro alcool durant la grossesse » est le moyen le plus efficace d’éviter les coûts humains et financiers estimés chaque année en France à 9 milliards d’euros.

 

Tribune co signée par Denis Lamblin* et Stéphanie Toutain**

 

*  Pédiatre, Président de SAF France

** Vice Présidente SAF France Maître de Conférences et chercheur au CERMES3 Université Paris Descartes, Inserm U8211, Cnrs U988

 

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