Michel Cymes : « Les accros au boulot finissent la plupart du temps en Burn-out »

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Sous la houlette de Michel Cymes, le médecin présentateur du magazine de la santé sur France 5, La Mutuelle Générale et le Club Santé Débat, organisent ce soir à 20H salle Jean Mermoz de Toulouse une conférence publique et gratuite sur le thème « Ces addictions qui vous guettent », en présence de professionnels de santé locaux. Entretien avec Michel Cymes.

 

Toulouse Infos : Comment fonctionne le phénomène d’addiction ?

Michel Cymes : C’est un mécanisme d’accoutumance qui intervient au niveau du cerveau. Quand on fume, boit, joue aux jeux vidéo ou autres, ces activités provoquent du plaisir, et c’est ce que notre cerveau recherche par dessus tout. Donc le phénomène de dépendance se crée lorsque le cerveau va tellement apprécier ce qu’on lui apporte qu’il va en redemander régulièrement et en grande quantité. Alors ce circuit de la récompense va se transformer en cercle vicieux. Cette addiction provoque souvent une désocialisation forte et les personnes addictes ne sont plus obsédées que par une chose : leur dose. Donc ce n’est pas une question de substance, mais du circuit qu’il enclenche en nous. Sur ce point, les nouvelles technologies sont sur la tangente car internet, les jeux vidéo et ces nouveaux éléments ne demandent pas l’absorption de substances et peuvent pourtant rendre dépendant. C’est bel est bien pour ça que de nos jours nous parlons d’addiction par rapport au circuit emprunté par notre cerveau et non pas forcement de substance qui la provoque de manière irrémédiable. Après il est vrai aussi que le terme d’addiction est parfois sur utilisé de nos jours.

T.I : Comment prévenir une addiction ?

M.S : Chez les adultes, c’est assez compliqué car ce sont des comportements qui sont ancrés, pour la plupart, depuis longtemps chez eux. Mais pour les jeunes, c’est avant tout un travail parental de discussion et de mise en place de règles, certes rigides, mais auquelles il faut se tenir. Par exemple, un enfant qui passe énormément de temps sur un jeu vidéo, il faudra lui restreindre son temps de jeu afin qu’il ne se coupe pas du monde et que ça ne devienne pas son obsession et sa dépendance. Ce genre de comportement est certes difficile pour les parents, car il provoque un conflit direct avec l’enfant, mais peut être salutaire afin d’éviter aux personnes trop propices à cette maladie de tomber dans le cercle vicieux. Après il faut aussi savoir différencier la vraie dépendance de celle des idées reçues. Une personne qui fume une cigarette par jour a peu de chance de devenir accro, comme celui qui boira de temps en temps avec ses amis dans les bars. Mais celui qui, en se levant le matin, ne pensera qu’au moment où il pourra prendre son premier verre et rien d’autre, là il y a un souci.

T.I : De nos jours, on nous encourage à l’excès, à la consommation à outrance, y a-t-il plus de risque de devenir dépendant qu’auparavant ?

M.S : Les jeunes ont accès à beaucoup plus d’éléments qui peuvent dans l’excès rendre dépendant. Pendant mon enfance il n’y avait ni internet, les drogues étaient moins accessibles et l’alcool n’était pas aussi facile d’accès, donc il était plus dur de devenir accro à ces choses-là. Les modes du Binge drinking (biture express) créent aussi des dommages collatéraux, mais il faut savoir faire la différence entre les comportements à risques de jeunes adolescents et les comportements de dépendance. Entre un ado qui va boire en grande quantité de temps en temps et celui qui le fera tous les soirs, il y a une différence. Il y a 20 ans, la médecine n’était pas forcement au courant de ces problèmes. On parlait d’habitudes ou de manies mais il n’y avait pas encore de qualification de dépendance à proprement parler. Quand on découvre une nouvelle maladie, il y a forcement de nouveaux malades, et c’est aussi pour ça qu’il y a plus de dépendance et que l’on identifie mieux les risques que par le passé.

T.I : Le travail peut-il lui aussi créer une dépendance ?

M.S : Tout à fait, cela s’appelle les Workaholics, se sont des personnes qui se dédient au travail et qui se coupent de toute vie sociale en dehors du lieu de travail. Là encore, à ne pas confondre avec les bosseurs qui s’investissent dans leur travail. Les accros au boulot finissent la plupart du temps en Burn-out, ce qui est un signe d’addiction dans ce domaine.

T.I : Et vous avez vous une dépendance ?

M.S : Non, je ne fume pas, je bois modérément et je suis certes bosseur, mais je ne dépasse pas la ligne blanche. Je suis peut-être juste addict aux blagues un peu lourdingues (rires).

 

Propos recueillis par François Nys