Curiosity a trouvé « des conditions compatibles à la vie » sur Mars

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Sur Mars depuis le 6 août 2012, le rover Curiosity vient de découvrir « des traces d’eau douce sur mars, ce qui aurait pu amener à la présence, dans un passé lointain, d’une vie unicellulaire » expliquent les scientifiques. Rencontre avec Olivier Gasnault, chercheur CNRS à l’IRAP qui revient pour nous sur cette découverte.

 

Toulouse Infos : Pour revenir un peu sur les faits d’origine, quelles étaient les missions premières de Curiosity ?

Olivier Gasnault : Vérifier l’habitabilité de la planète était l’un des objectifs premiers de la mission. C’est un programme d’exploration de Mars, on y fait à la fois de la géologie, de la cartographie, des études de radiation, météorologiques, etc. On tente de comprendre l’histoire de cette planète. C’est vrai que cela peut paraitre primaire, mais nous faisons ce que nous avons fait sur terre il y a bien longtemps : nous repartons de zéro. Il y a aussi un objectif plus axé sur la chimie organique et sur l’état de la planète à l’heure actuelle afin de comprendre non seulement ce qui s’est passé, mais ce qui s’y passe.

T.I : On parle de vie sur mars, de possible traces d’eau douce, qu’en est-il vraiment ?

O.G : Nous pensons que l’endroit où Curiosity s’est arrêté pendant plusieurs mois était un ancien lac, vieux de plusieurs milliers d’années. Les matériaux et roches présentent laissent entendre qu’elles ont été déposées par de l’eau, et il y a une forte probabilité pour que ce soit de l’eau douce. On a aussi trouvé, dans cet ancien lac, des conditions qui étaient compatibles à la vie. Après, nous parlons d’une vie extrêmement simple, des microbes unicellulaires, et c’est une théorie extrêmement hypothétique à l’heure actuelle. Maintenant, la question est de savoir si celle-ci a pu elle survivre et si oui combien de temps.

T.I : Quel est l’interêt ?

O.G : C’est intéressant à deux titres, cela nous permet de voir l’évolution de cette planète, ce qui nous permet de mieux connaître la nôtre. Car la Terre a été recouverte, durant les années, par des plantes et autres. Dans un sens, étudier Mars nous aide à mieux comprendre la Terre. De plus, cela nous conforte dans la mission, car nous nous dirigeons vers une zone sédimentaire beaucoup plus grande, visible depuis l’espace et qui laisse présager de nombreuses découvertes. L’étude de la biologie et de la géologie porte ses fruits, car si les conditions n’avaient pas été réunies, on n’aurait pas continué dans cette logique d’exploration.

T.I : Pour combien de temps est encore prévue la mission Curiosity ? Comment se comporte la machine ?

O.G : La mission était prévue pour 2 années terrestres, soit une année martienne. En ce moment, nous sommes en discussion avec la NASA pour continuer jusqu’en 2016. Niveau équipement, tout se passe bien et les ingénieurs spatiaux font preuve d’un grand génie pour résoudre les pannes. Il faut que rappeler qu’Opportunity fonctionne toujours de son côté sur Mars. Ce robot, beaucoup plus léger que Curiosity fonctionne depuis 10 ans, alors qu’il était prévu pour tenir deux mois. Nous utilisons des matériaux technologiquement avancés, mais qui sont aussi rodés aux conditions extrêmes, donc ce n’est pas l’usure des pièces qui nous fait peur. Oppoturinty continue à explorer, il fonctionne plus lentement en hivers à cause des batteries et du fait qu’il est dans une zone de grand froid, mais il a trouvé des billes d’oxyde de fer qui se forment dans des lits de rivières ainsi que des filons de minéraux. Ces deux robots nous permettent de pouvoir mieux prévoir les sites susceptibles de nous apporter un maximum d’information en vu des missions futures.

T.I : Quelles sont les prochaines découvertes que vous espérez faire ?

O.G : Nous espérons arriver à confirmer l’habitabilité au travers d’autres mesures. Si on arrive à trouver des preuves, dater et mesurer combien de temps ça a duré, ça sera très bénéfique pour la suite de l’exploration.

T.I : À quand une expédition humaine sur mars, est-ce juste un fantasme d’Hollywood ?

O.G : L’idée d’une mission humaine n’est pas très réaliste dans un proche futur. L’expédition robotique reste celle privilégiée. Il est vrai que rien ne remplace un cerveau humain sur place, mais Mars est loin d’être hospitalière : conditions de radiations très élevées et de nombreux autres problèmes. Nous avons toujours les moyens de palier à ces problèmes, mais ça reste très dangereux. Je pense que si une expédition humaine est lancée sur cette planète, ce ne sera pas pour un enjeu scientifique.

 

Propos recueillis par François Nys