Histoires de rétention (épisode 2)

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En 2010, 1636 personnes ont été placé au Centre de rétention de Cornebarrieu. Photo / CTI Images d’illustrationsEn 2010, 1636 personnes ont été placé au Centre de rétention de Cornebarrieu et rien que pour le mois de décembre 32 d’entre eux ont été reconduit à la frontière. La Cimade intervient en rétention depuis 1985. Aujourd’hui, plus d’une cinquantaine d’intervenants salariés et une vingtaine de bénévoles exercent, au quotidien, une mission d’aide à l’exercice des droits au profit des étrangers enfermés dans les 23 centres de rétention administrative (CRA) de métropole. Voici une histoire contée par l’un d’entre eux :


Azad et Maral sont mariés depuis 27 ans. Il est arménien et elle est azerbaïdjanaise. Dans le jargon, nous appelons cela un « couple mixte ». Ils ont fui leurs pays respectifs pour pouvoir s’aimer librement. Lorsqu’ils sont arrivés en France, ils ont déposé une demande d’asile. Leur fils aussi est en France. Malheureusement leur demande a été rejetée et la préfecture leur a notifié une obligation de quitter le territoire.

 

Azad et Maral ont trouvé du travail dès qu’ils sont arrivés en France. En tant que demandeurs d’asile, ils n’avaient pas le droit de travailler mais, il faut bien vivre et surtout, ils ne veulent être une charge pour personne, ils ne supportent pas l’inactivité.

 

Le 8 octobre, les policiers arrivent sur leur lieu de travail. Ils sont interpellés, placés en garde à vue et la préfecture décide de les placer au centre de rétention. L’obligation de quitter le territoire français prononcée par une préfecture (OQTF) a été contestée au tribunal administratif mais l’audience n’a pas encore eu lieue. Le 13 octobre, le tribunal administratif décide d’annuler le placement en rétention. Azad et Maral sont libérés mais pas sortis d’affaire pour autant. Malgré l’annulation du placement en rétention, le juge a validé le volet reconduite à la frontière de l’OQTF.

 

Azad et Maral rentre donc chez eux. Pas pour longtemps. Alors que le tribunal administratif ne s’est toujours pas prononcé sur le volet droit au séjour de l’OQTF, les policiers retournent les chercher. Là où ils sont sûrs de les trouver : au travail. Maral est toute seule. Azad est en déplacement avec le patron. Son fils le prévient « Maman est en garde à vue ». Azad se dépêche de rentrer pour rejoindre son épouse au commissariat. Belote et rebelote : la préfecture prend un nouvel arrêté de placement en rétention et ils arrivent au centre le 7 décembre.

 

Ils ont compris que cette fois-ci, ce serait plus compliqué. Suite à l’audience du juge des libertés et de la détention, Maral vient nous voir pour nous demander : « est ce que vous pouvez me trouver quelque chose à faire ? Je ne peux pas rester 15 jours ici sans rien faire. » Avec son sourire, sa douceur.

 

Qu’ils soient chez eux, avec leur fils, ou au centre de rétention, enfermés, cela change quoi pour la préfecture ? A chaque fois qu’elle a envoyé des policiers pour aller les chercher, ils étaient là, ils n’ont jamais essayé de se cacher ou de fuir. A l’heure où M. Hortefeux rappelle à l’ordre les préfectures pour qu’elles atteignent le sacro saint chiffre de 28000 reconduites à la frontière pour l’année 2010, la dignité d’Azad et Maral est bafouée par la bêtise arithmétique.

Marie