Benzaie : « avec 2 millions de vues par mois sur Youtube, on touche autant qu’un smicard »

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Benzaie publie sur Youtube depuis le début de l’année une émission à mi-chemin entre sitcom et chronique où il interprète un vendeur hardcore gamer crasseux à l’enfance difficile.  Il sortira aussi bientôt un film et sera présent au Toulouse Game Show dans quelques jours à Toulouse. Rencontre avec le « plus américain des Youtubeur français ».

 

Toulouse Infos : D’où vient le concept de Benzaie ?

Benzaie : Je me suis mis à fond dans le rétro et dans cet univers à la fac. J’adorais cet univers. Mais c’est surtout en 2006/2007 que j’ai découvert l’émission américaine ‘The Angry Video Game Nerd’ et le site ‘ScrewAttack’ qui mettent en avant les vidéos des membres. Je me suis donc lancé en espérant être à cette place. Cela a marché et on m’a très vite proposé une tribune et j’ai donc commencé en faisant des vidéos sur TGWTG.com.

Toulouse Infos : Quand vous êtes-vous rendu compte du potentiel du marché français ?

Benzaie : Je me suis rendu compte du potentiel français lors de la montée en puissance du ‘Joueur du Grenier’. En effet, de mon côté, je sous-titrais mes vidéos en français, mais rien de plus. Après avoir vu le potentiel qu’il y avait en France et le volume, car un Youtubeur français regarde proportionnellement plus de vidéos que les autres, je me suis lancé. Par différents contacts, j’ai rencontré Alex Pilot (cofondateur et directeur des programmes de la chaîne de télévision Nolife) qui m’a présenté plusieurs personnes. Résultat, j’ai lancé une nouvelle version du Hard Corner en version FR en collaboration avec Dr Lakav. Je suis donc revenu à un format français, où j’ai tout recréé. Le Hard Corner est à présent une sorte de sitcom avec comme point central une chronique et des sketches autour. Pour résumer, la chronique est le reste de la version US, et pour la France, j’ai fait tout cet habillage.

T.I : Et vous gagnez votre vie grâce à YouTube ?

Benzaie : Je survis grâce à YouTube depuis un an, mais je gagnais déjà quelques roubles en faisant mes vidéos aux États-Unis. En 2009, c’était déjà une activité rémunératrice sans pouvoir être une activité principale. J’ai donc fait de la traduction, du soutien scolaire, etc. L’an dernier, j’ai été recruté par Machinima, qui est une régie pub spécialisée dans un public de 15/30 ans et gamers. L’an dernier, j’ai fait deux trois trucs pour eux, ce qui m’a rapporté un peu plus et leur a permis d’avoir un pied en France. Depuis la rentrée de septembre, je vis à 100% de mes vidéos. Pour donner une idée, une personne qui fait 2 millions de vues par mois touche autant qu’un smicard.

T.I : Vous avez un gros projet en cours, votre film…

Benzaie : Oui, mais  j’ai la phobie de le terminer, j’ai peur de le voir prendre forme *rires*. C’est comme un papa qui n’ose pas regarder l’accouchement, car une fois terminé, j’ai peur de décevoir, et de me décevoir en voyant le résultat. Ça me ralentit un petit peu. L’histoire est une genèse du Hard Corner. Une boutique de jeux vidéo tenue par un vendeur geek un peu crado, pour qui le jeu vidéo est un truc ultra sérieux. Le film va permettre de découvrir cette personne à la sortie de l’adolescence, dans un job qu’il n’aime pas, avec une copine qui tente de le changer. Il va donc devoir se montrer responsable et créera sa propre boutique.

T.I : Comment avez-vous fiancé ce projet ? Via le crowdfunding ?

Benzaie : Non, pour moi le crowdfunding me posait plusieurs problèmes, donc j’ai fait les choses différemment. Pour faire le film, j’ai compté sur ma communauté. J’ai lancé une gamme de T-shirts à vendre, et c’est la vente de t-shirt Hard Corner qui m’ a permis d’avoir un budget d’avance pour pouvoir financer les 10 000 euros nécessaires au tournage du film. C’est un cycle assez saint à mes yeux car une fois le film terminé, il sera diffusé gratuitement sur YouTube et je reste le maitre à bord. Les fans qui veulent me soutenir ont déjà un t-shirt et pourront aussi acheter le DVD ou encore la bande originale du long métrage. Donc ça repose sur les fans et la qualité de ce que j’ai réalisé. Le tournage s’est fait en aout et le film est en cours de montage. La sortie est prévue pour courant décembre.

T.I : Et quel regard portez-vous sur cette explosion du média internet ?

Benzaie : C’est quelque chose de très saint. C’est clairement comme ça que je me voyais consommer du média dans le futur lorsque j’étais jeune. Sur YouTube, il n’y a pas de hasard, ce sont les gens qui choisissent. On voit certaines chaines qui tentent de créer du succès virtuel qui ne marche pas. Ça brise les codes de ce que la télévision a imposé. Il suffit de me regarder, je suis d’Angoulême et je fais mon petit truc dans mon coin et ça marche. À présent, beaucoup de gens peuvent avoir leur propre expérience et ce n’est jamais plus vrai que pour la génération YouTube. Il suffit de regarder Canal +, ce n’est pas pour rien qu’ils lancent de nouvelles chaines YouTube pour chacun de leurs nouveaux programmes. Les jeunes vont sur leur portable non pas pour aller sur un replay de TF1, mais pour aller regarder Antoine Daniel et se marrer. La donne est en train de changer et la télévision doit le prendre en compte, car en plus sur YouTube on connait en direct son audience, et ce n’est pas calculé avec les outils archaïques du petit écran…

 

Propos recueillis par François Nys