Divisions, faux électeurs et liste unique, le Titanic Vert continue de sombrer

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Nous savons tous que le ridicule ne tue pas. Malheureusement les Verts semblent abuser de ce précepte pour ridiculiser toujours plus l’écologie française, depuis qu’ils ont réussi leur OPA sur l’écologie politique. Il sera difficile pour les écologistes de terrain, qui agissent concrètement au quotidien par des actes, de ne pas être comparé aux écolo-tartufes, spécialistes des belles paroles creuses.

 

Le dernier congrès d’EELV a été à la hauteur de la médiocrité de ce parti qui a définitivement acté sa PRGisation. Une révolution de palais a éjecté il y a quelques semaines le secrétaire national Vert, coupable d’un peu trop d’indépendance, et qui avait demandé au gouvernement d’avoir une politique plus écologique. Un individu dangereux pour certaines places au chaud, assurément. Depuis, le clan de la ministre en chef (la firme, selon les opposants internes) a créé une liste « d’union », de « rassemblement » avec tous les membres de ladite firme, soit une belle capacité d’ouverture et de pluralité. Elle a également propulsé vainqueur avant l’élection une de ses membres. En face, les opposants unis contre la mainmise autoritaire de cette firme sur le parti, ont réussi l’exploit de monter 6 listes. Des mauvaises langues disent que la huitième liste, « écologie et parapente », n’a pas eu le droit de se présenter, par peur de la mauvaise image de division que cela aurait donné ! Plus sérieusement, on retrouve dans ces opposants des gens très divers. L’ancien socialiste et toujours guériniste Karim Zéribi, soutenu comme il se doit par toute sa famille. L’aile gauche, emmenée elle aussi par une ancienne socialiste qui a eu l’outrecuidance de faire un bilan peu amène de l’accord PS-EELV de fin 2011, ce qui a provoqué la fureur du « caniche » de la grand chef. Il y avait également la liste des écologistes, mené par le régional de l’étape, mais qui n’a pas su convaincre grand monde au-delà du sud-ouest. Une liste Objectif Terre, sans doute peu différente de la précédente. Une liste de Déterminé-e-s, à montrer qu’ils existent visiblement. Sans oublier la liste des djeuns parisiens et d’Eva Joly, curieux mélange entre une star d’une autre époque et ses groupies, pour qui visiblement l’élection présidentielle a été un succès pour EELV. Bref : un beau bordel. L’approche des élections européennes et sénatoriales a favorisé la division de l’opposition, dans l’espoir de miettes pour les chefs de file. Cette incapacité à la discussion constructive et au consensus (même entre membres du même parti qui parfois sont sur des positions très proches) est affligeante dans une organisation qui est tout de même la deuxième composante de la majorité au sein de notre pays.

Face à cette opposition hétéroclite, la firme des professionnels de la politique a serré les rangs. Le maire de Sevran l’a annoncé dans un tweet. Cet ancien communiste s’est fait connaître en faisant une grève de la faim pour sauver son budget municipal, un tel extrémisme a d’ailleurs du faire frémir JV Placé qu’on voit mal sauter le dessert. Stéphane Gatignon le dit tout de go : « Comment avec 100% des ministres, 90% des parlementaires, 85% des élus, 95% des collaborateurs d’élus, on ne fait que 38% ?! ». Une fracture, de plus en plus nette, semble exister au sein des Verts, une sorte de lutte des classes vertes. D’un côté, il y a ceux qui ont fait de la politique leur métier et leur gagne-pain, et qui semblent prêt à toutes les manœuvres pour garder leur place. Et de l’autre, ceux qui dénoncent ces manœuvres, rejoints par ceux qui aimeraient rejoindre la firme et par ceux qui en ont été exclus. Les places sont en effet chères ces temps-ci, l’euphorie électorale, c’était avant. Et les militants dans tout ça me direz-vous ? Ils se moquent de ces bataillettes pour les égos et pour les places. La Sinistre (pour reprendre le langage coluchien), toujours cheftaine du parti, avait annoncé des chiffres dans un de ses très nombreux tweets. C’est d’ailleurs à se demander qui s’occupe du ministère pendant qu’elle joue avec son portable. D’après elle, 13.300 personnes inscrites pour le congrès. Un message d’un autre responsable annonce environ 10.000 membres à jour de cotisation. Donc, plus de 3000 personnes n’ont pas réadhéré à EELV en 2013, sans compter ceux qui ont annoncé leur départ et qui ont été retiré du compte (soit environ 4000 personnes). Officiellement 5413 militants ont voté. D’après mes comptes, il y a eu environ 900 faux électeurs en Ile de France (IdF), PACA et Languedoc Roussillon (LR). Le calcul, trop long à expliquer précisément ici, il s’agit d’un réajustement des sur-représentations statistiques décelées grâce à l’écart type, le tout corrélé aux rumeurs véhiculées en interne, aux déclarations et mesures internes prises pour faire face à un phénomène de fausses adhésions massives. Ces faux électeurs auraient favorisé la firme (IdF et LR) et la liste de Zéribi le marseillais (IdF, PACA).

Dans tous les cas de figure, la majorité des militants « réels » ne s’est pas exprimée. Le taux de faux électeurs (personnes inscrites au parti juste pour voter le moment venu) est probablement compris entre 15% et 20%, pour un coût total de ces adhésions d’environ 30.000€ par an. Au niveau des résultats, les faux électeurs semblent surtout bénéficier à la liste Zéribi et pénaliser la liste de gauche. La liste de la firme garde sa première place dans tous les cas, avec un mauvais score à 38% ou à 34%.

Un marchandage a actuellement lieu entre les différentes listes, pour savoir qui saura tirer le plus de marrons du feu. Il est très probable qu’il y ait une coalition Duflot-Zéribi, ces deux groupes ayant les mêmes objectifs et les mêmes méthodes, même si cela risque de provoquer quelques pertes au sein du deuxième groupe. En cas de nécessité, le groupe Joly se rallierait probablement en échange d’une bonne place pour sa patronne et éventuellement pour quelques lieutenants. Le rêve fou d’une révolution interne est impossible du fait de l’incompatibilité de l’aile gauche avec la motion Zéribi. Au niveau régional c’est beaucoup plus simple. Seule la liste de la « firme régionale » a eu le droit de se présenter, la liste concurrente ayant été tout simplement invalidée. Mais par charité, le tirage au sort a repêché quelques militants qui étaient sur l’autre liste, l’illusion de la démocratie est toujours plus efficace que la certitude de la dictature.

Rien de bien nouveau à EELV donc par rapport aux pratiques que je présente ici depuis plusieurs mois. Et pendant ce temps, le gouvernement continue de renier ses engagements écologistes, les uns après les autres.

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog http://julienfaessel.wordpress.com/.