Municipales toulousaines : les enjeux à droite… vus de la gauche

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Après les enjeux pour la gauche, voici ceux pour la droite des prochaines échéances électorales. Théoriquement il ne devrait pas y avoir de suspense, le PS devrait gagner l’élection sans avoir à faire campagne, tant Toulouse vote massivement à gauche. La droite locale peut néanmoins compter sur un allié de poids, le PS lui-même ! Dans l’empire rose du sud-ouest, la droite locale est relativement regroupée, consciente que divisée elle n’a absolument aucune chance. Les forces en présence à droite sont donc plus homogènes et moins dispersées que pour la gauche, les divisions principales étant généralement des questions de personnes.


UMP : l’UMP locale a payé cher les années Sarkozy, en enchainant déroutes sur défaites (les Européennes de 2009 étant une victoire en trompe l’oeil au vu du faible score obtenu avec une abstention record) et en perdant Toulouse. Jean-Luc Moudenc (JLM) a payé en 2008 pour Sarkozy. En effet, Toulouse a massivement voté PS en 2007, et s’est vengé aux Municipales de 2008 du bling-bling et des dérives de « l’hyper-président ». Battu par Sarkozy plus que par Cohen en 2008 (au vue de l’écart infime), JLM veut rebondir et devenir le leader de droite du grand sud-ouest en succession d’un Juppé vieillissant et d’un Baudis en retrait. Pour cela, il doit reprendre la mairie de Toulouse, en tentant de jouer à son tour de l’impopularité gouvernementale. Dans une ville profondément de gauche, le défi est de taille. JLM devra réussir à manoeuvrer habillement pour attiser les divisions à gauche, favoriser l’abstention de punition, et rassembler le plus large possible. Il doit donc réunir son propre camp mais aussi cette partie de l’électorat socialiste qui vote habituellement pour le centre-droit aux Municipales. Son principal risque étant de faire une Simon2001 (marque déposée), d’effrayer son électorat et mobiliser les électeurs de l’adversaire, notamment en apparaissant trop à droite. Il peut compter sur le soutien franc de son parti, sur son association Toulouse Avenir, et sur la légitimité et les moyens fournis par le mandat de député qui lui a été généreusement offert sur un plateau par un Pierre Cohen au jeu dangereux dans cette affaire. JLM a donc les mains libres et tous les moyens nécessaires pour reprendre la Capitole. La défaite ne serait donc pas pardonnée et provoquerait immanquablement une mise en retraite forcée sous la pression de la jeune garde qui pousse.

L’autre enjeu particulièrement intéressant est la présidence de la métropole. L’ajout de nouvelles communes ces dernières années a pour conséquence l’augmentation du nombre d’élus communautaires. La quasi totalité des élus municipaux toulousains siègeront à l’assemblée métropolitaine, ceux de la majorité comme ceux de l’opposition. Même en gagnant Toulouse, la droite sera probablement minoritaire au Grand Toulouse, à moins d’un improbable raz-de-marée bleu dans le département. Les communes alentours sont en effet trop petites pour donner seules suffisamment d’élus pour faire changer la majorité. L’UMP devrait donc gagner autour de 5 nouvelles mairies parmi les plus grosses, ce qui apparaît aujourd’hui comme impossible. Il y aura donc probablement un intense marchandage autour des « petits élus » si la droite gagne Toulouse, tant l’UMP que le PS seraient alors dépendant de ces élus dispersés (des petites communes et ceux des petits partis) qui gagneraient un pouvoir et une influence inespérés, et pourraient négocier chèrement leur soutien. À Bordeaux, l’UMP gère la mairie et le PS la métropole, cette possibilité est in fine un argument pour l’UMP dans une région de gauche. Mais un Pierre Cohen battu réussirait-il à garder l’ascendant sur le PS local pour garder la présidence de la métropole ? Cela est peu probable. Si JLM gagne la mairie il devra alors se découvrir une carrure de rassembleur à la Malvy (qui en son temps avait su gouverner au-delà des clivages traditionnels) pour gouverner une métropole a priori hostile. Sinon, il devra composer avec un socialiste ambitieux qui aurait réussi à décrocher le jackpot sur le cadavre encore chaud des socialistes toulousains. Le troisième tour peut donc se révéler extrêmement intéressant.

Enfin, JLM veut laisser une trace dans l’histoire, son précédent mandat de maire n’apparaissant pour l’heure que comme un intérim. Il veut probablement aussi se venger de Pierre Cohen qui l’a constamment dénigré depuis 2008 et qui se retrouverait nu comme en ver en cas de défaite et probablement marginalisé au sein du PS local qui ne pardonne pas l’échec. Mais pour JLM, la défaite est également interdite puisqu’il apparaitrait alors comme incapable de reprendre la mairie, et serait immanquablement remplacé d’ici 2020. Intéressant scénario qui verra la mise à mort politique de l’un des deux protagonistes principaux. Malheur au vaincu !

FN : 2014 sera l’année du FN en France, mais pas à Toulouse. Les Municipales étant le prélude à la catastrophe des Européennes, le FN surfe sur une vague de fond, l’incapacité des socialistes à mettre en place une politique qui réponde aux problèmes des Français. Il est aussi poussé par l’affaiblissement continu de l’État, au niveau institutionnel, économique, et en tant que gardien de la cohésion sociale. Dans un état aussi centralisé que la France, cette situation a une grande influence sur la population. Le FN n’a donc besoin de rien faire, la situation générale joue pour lui. Il se rêve en arbitre des Municipales, ce qui serait une bouée de sauvetage inespérée pour le PS. Néanmoins il est peu probable qu’il atteigne à Toulouse les 10% nécessaires à une possibilité de maintien au second tour. La population toulousaine est encore pour l’instant largement imperméable au FN pour des raisons socio-démographiques. Pour l’instant…

Christine de Veyrac (CdV) : en quittant l’UMP, CdV a grandement compromis ses chances de réaliser un quatrième mandat d’affilé au Parlement Européen. Se voyant mal recyclée à Vulcania auprès de son protecteur, CdV joue, elle aussi, sa carrière politique dans cette affaire. En froid avec JLM après des élections internes houleuses à l’UMP locale, elle ne cherche pas pour autant à se venger tant elle n’aurait rien à y gagner. Son irrationnelle candidature doit être comprise dans la logique de ceux (JP Plancade, F Simon…) qui visent une autre élection, comme une place au Sénat lors du renouvellement de 2014. Elle se retirera donc le moment venu en échange d’une place éligible au Sénat ou au Parlement Européen.

Le Modem et UDI : ils ressemblent beaucoup à EELV, ils ne pèsent rien du tout mais peuvent récolter gros. L’objectif des survivants locaux du Modem et des motivés de l’UDI est donc d’obtenir le plus gros groupe possible en s’alliant avec JLM. Conscient de leur faiblesse et de l’inintérêt politique de la démarche (et de leur manque de capacité financière et militante), il est inconcevable que les centristes cherchent à présenter une liste autonome.

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog http://julienfaessel.wordpress.com/.