Toulouse : Les enjeux à gauche des Municipales

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Dans une région politiquement aussi particulière que la notre où le PS règne sans partage, les élections municipales sont les seules qui sont réellement ouvertes. Cette situation particulière provoque une tension évidente et des enjeux particuliers pour les diverses forces de gauche.

 

PS : Toulouse a longtemps été une tache bleue dans un océan rose. L’enjeu premier du PS est donc de ne pas perdre la ville face à la droite. Le second objectif du PS est de maintenir sa majorité absolue au conseil municipal. Pour cela les partenaires du PS ne devront pas avoir davantage de places d’élus qu’actuellement. Pierre Cohen a également pour objectif de marquer de son empreinte l’histoire locale afin de faire contrepoids à la famille Baudis honnie par les socialistes. L’actuel maire veut également conforter sa position vis-à-vis de ses aînés et concurrents Malvy et Izard. Ceci en espérant devenir le seul cador rose local, lorsque ces deux-là prendront un jour leur retraite. Au sein du PS, les frictions sont également présentes pour la répartition des places entre personnalités et courants internes. Il s’agit là d’un enjeu peu mis en avant mais bien réel. Électoralement, le PS craint énormément ces élections municipales qui voient généralement une partie non négligeable de son électorat préférer le camp d’en face. Garder la faveur d’un maximum de son électorat et limiter l’abstention-sanction en cette période d’impopularité gouvernementale sont des enjeux primordiaux pour le camp de la rose. Enfin, réussir à rassembler le plus large possible au second tour, et donc limiter au maximum les frictions avec les partenaires potentiels sont également des enjeux de première importance.

PRG : Parti peu connu du grand public à cause de son alliance constante avec le PS, le PRG est dans la région un faiseur de roi. En effet son président est propriétaire de la Pravda locale, la fameuse Dépêche du Midi. Pour le PRG, l’objectif est donc de réussir à monnayer au mieux cette propagande quotidienne. L’affaiblissement de certaines composantes de la majorité actuelle pourraient permettre au PRG d’augmenter la taille de son petit groupe de 3 élus municipaux. Pour ces élus, l’objectif est de garder leur place, sachant qu’il y a sans doute d’autres personnes intéressées. Malgré les menaces, il est peu probable que le PRG monte sa propre liste, mais les tensions avec le PS existent dans le département, ce qui pourrait donner lieu à des négociations tendues.

EELV : L’objectif des Verts est d’augmenter la taille de leur groupe municipal (actuellement 6 élus après 2 départs en cours de mandat). Cet espoir est alimenté par les bons scores réalisés à Toulouse en 2009, 2010 et 2011. Mais la catastrophique année 2012 risque de peser lourd et plomber la liste verte. L’enjeu principal sera probablement de survivre. En effet, le groupe toulousain et ses élus apportent 1/3 des revenus d’EELV dans la région et ces élus apportent (en reversant une partie de leurs indemnités) la majorité des revenus du groupe local. La perte de ces élus aurait donc des conséquences très importantes dans toute la région pour un parti aux finances exsangues. Les Verts sont pris en otage par leur stratégie d’alliance inconditionnelle avec le PS, tout en se présentant seuls au 1er tour. Si les socialistes perdent, quelque soit le score vert au premier tour, les Verts perdent. Si les Verts font moins de 5% au 1er tour, ils disparaissent du paysage politique local, quoi qu’il arrive. S’ils font entre 5% et 10%, ils devront négocier en position d’extrême faiblesse vis-à-vis d’un Pierre Cohen qui connait bien les excellent reports de votes verts, et pourra leur proposer peu d’élus. Un score supérieur à 10% serait une première aux Municipales pour les Verts à Toulouse. Dans tous les cas la volonté de « faire perdre la droite » fait le jeu des socialistes, qui négocieront avec un partenaire dépourvu de griffes. Au niveau personnel se joue la bataille du leadership local, la place de tête de liste étant stratégique. Pour François Simon, éternellement candidat, elle pourrait servir de tremplin pour espérer une place éligible sur la liste socialiste aux sénatoriales.

PCF : La situation du PCF local est proche de celle des Verts, un poids électoral faible et une alliance inconditionnelle avec le PS. La stratégie d’alliance avec le PS de ce parti est donc la plus avantageuse pour lui, puisque seul il ne pèse plus rien aux élections. Il obtiendra néanmoins en cas de victoire socialiste, un solide groupe d’élus, des responsabilités de premier plan et le rôle de deuxième force de la majorité. Le véritable enjeu pour le PCF sera de garder ses militants, critiques vis-à-vis des socialistes au gouvernement et tentés par l’autonomie du Front de Gauche. Dans cette « guerre des rouges », le PCF veut garder sa puissance financière, ses militants, ses élus, face à ses concurrents autonomistes, dynamiques mais sans-le-sou.

Front de Gauche (FdG): Malgré les plaintes du PCF, le Front de Gauche ne peut qu’être indépendant du PS, puisqu’il s’agit d’un rassemblement de communistes, et non d’un rassemblement de socialistes et de quelques communistes. Le petit PG et ses encore plus petits alliés héritent donc mécaniquement du FdG suite au départ du PCF. Ce rassemblement hétéroclite a pour enjeu principal d’être la deuxième force de gauche, objectif tout à fait réaliste. Malgré une tête de liste inconnue du grand public, la dynamique Mélenchon peut laisser espérer au FdG un score à deux chiffres, et donc de négocier en position de force avec les socialistes pour le deuxième tour. Cette dynamique attirera également des militants PCF, l’objectif étant d’en attirer un maximum. L’enjeu est donc d’avoir le meilleur score par rapport au PS, pour avoir un groupe charnière au conseil municipal, et ainsi bloquer certains projets socialistes. Pour cela il sera nécessaire de confirmer le bon score de Jean Luc Mélenchon à la Présidentielle à Toulouse. Les tensions locales entre le PG et le PS suite à l’exclusion du leader du PG (et tête de liste) de la majorité municipale risquent en tout cas de rendre les négociations particulièrement âpres.

NPA, LO : Traditionnellement l’extrême gauche présente des candidats quand elle le peut pour profiter du projecteur médiatique de l’élection. L’affaiblissement du NPA et l’invisibilité de LO risquent de pénaliser lourdement ces formations qui n’ont jamais su se remettre de la concurrence du FdG. Si ces partis se présentent, leur objectif sera de faire connaître leur programme pour préparer la révolution, comme à chaque élection. Ils ne veulent en effet pas de responsabilités dans des majorités de « cogestion ».

Liste des quartiers : Le cauchemar des partis de gauche traditionnels, une liste non issue d’un parti mais d’un rassemblement citoyen. Toulouse est un terreau fertile pour ce type d’initiatives, le succès des Motivés en 2001 en étant la meilleure preuve. La grogne est forte dans de nombreux quartiers de la ville vis-à-vis de Pierre Cohen, souvent accusé d’avoir « trahi les promesses des 2008 » et « abandonné les habitants ». Les espoirs déçus de 2008 poussent de nombreux acteurs à ne plus faire confiance au PS et à ses alliés. Il est donc tout à fait possible qu’il y ait une liste citoyenne de gauche, certaines initiatives allant en ce sens. L’enjeu d’une telle liste serait de réaliser un score à deux chiffres pour pouvoir ensuite essayer de peser dans les politiques publiques.

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog http://julienfaessel.wordpress.com/.