Nouveau bureau : « les chefs locaux des Verts ont pris la courageuse décision de rester bien à l’écart »

466

Les Verts toulousains ont élu dernièrement un nouveau bureau pour leur groupe. Ce nouveau bureau est à l’image des militants, c’est à dire tournant. Par rapport aux 18 personnes du bureau élu en 2011, il n’y a qu’un seul rescapé. Cette chaise musicale permanente sera probablement présentée comme un atout, la preuve qu’il y a un renouvellement. Sauf que parler de renouvellement pour des postes ingrats et sans pouvoir ne saurait masquer la permanence des élus municipaux et régionaux qui restent volontairement en retrait.

 

La gauche toulousaine est KO debout. Elle va tenter lors des prochaines années de reprendre du poil de la bête, mais la politique gouvernementale n’en finit pas de l’achever. Le projet de réforme territoriale fait trembler les fondements mêmes des bastions socialistes les plus solides. En cette période de crise profonde, les chefs locaux des Verts ont pris la courageuse décision de rester bien à l’écart : que ce soient les « sages » du Conseil Régional, comme ils aiment à se faire appeler, ou les élus municipaux qui ont péniblement tenté pendant quelques mois de représenter leur parti aux élections municipales. En gros, tous ceux qui ont vaguement une tête, un nom, une moustache un peu connue du public, et qui vont immanquablement être dans les meilleures positions les prochaines fois qu’il y aura potentiellement possibilité d’être élu, tous ceux­là laissent la gestion du groupe local à des militants relativement nouveaux et inexpérimentés. C’est une stratégie qui a l’avantage de préserver les chefs en question, en leur évitant de mettre les mains dans le cambouis de la gestion quotidienne d’un petit groupe politique, qui est source de soucis et de conflits.

 

Les élus verts ont la particularité de cannibaliser leur parti

Le problème est que cela est hypocrite et tactiquement insensé. Hypocrite parce qu’ils vont continuer à tirer les ficelles, pourrissant quand nécessaire, confisquant le calendrier quand cela les arrangera. Ils accapareront les quelques vraies décisions importantes et politiques, et laisseront les novices se démerder avec toutes les petites décisions de gestion courante. Puis à l’approche d’élections intéressantes pour eux, ils mettront en avant leur expérience, sans expliquer en quoi cette prétendue expérience serait un avantage pour le groupe. Pourtant c’est actuellement que cette expérience aurait une utilité, pour lancer et structurer une dynamique. Théoriquement on pourrait se dire que c’est une bonne chose que les élus prennent du retrait, j’étais d’ailleurs de cet avis il y a quelques années. Si cela était vrai en pratique ça serait en effet une bonne chose. Mais en réalité les élus verts ont la particularité de cannibaliser leur parti. Cette relation est très étrange et est un des défauts essentiels de ce parti. Une fois élu, le Vert devient incontrôlable. Il se sent investi d’une mission supérieure, et à ce titre devient extrêmement capricieux. Ceci explique notamment les constantes sorties médiatiques totalement grotesques des parlementaires EELV et leurs votes incompréhensibles, puisque toute idée de discipline de parti est oubliée, les défections nombreuses et constantes d’élus, ainsi que les tensions que cette situation provoque. Je t’aime, moi non plus. Comment avancer dans ces conditions ?

 

Des Verts médiatiquement inaudibles

La gauche toulousaine s’est beaucoup moquée pendant 6 ans du nouveau maire (Jean-Luc Moudenc), qui était candidat dès le lendemain du deuxième tour en 2008. Pourtant, cette stratégie semble efficace, et de bon sens. Il faut partir à point comme dit la fable. Constituer un noyau solide, se structurer, pour le moment venu être en état de marche, voilà une situation qui permet d’envisager sereinement une campagne électorale. Au contraire, les Verts toulousains ont perdu de longs mois à désigner leurs candidats et à écrire, ré­écrire, corriger, amender, modifier, préciser, synthétiser, un programme déjà écrit depuis 20 ans. Ce programme qui est stable dans le temps devrait être une force, mais ils ne semblent pas en avoir conscience tant ils aiment couper les cheveux en quatre. Et à force de perdre son temps à refaire ce qui a déjà été fait, ils se retrouvent constamment pris à la gorge en n’ayant pas le temps de faire l’essentiel, c’est à dire faire une bonne campagne. La leçon n’a semble-t­il pas été apprise, puisque ceux qui conduiront la liste verte (ou seront on bonne place sur une liste d’union socialiste) ne sont pas dans le bureau dernièrement élu.

Les trois conseillers municipaux verts actuels vont représenter le groupe toulousain pendant 6 ans, et seront candidats en 2020. Alors qu’ils seront les plus en vue, ils refusent d’incarner. La parole verte continuera donc à être portée pendant toutes ces années par les 3 élus municipaux verts, les 2 élus régionaux toulousains connus (Simon et Onesta), le groupe régional (porte-parole et secrétaire) et le groupe toulousain (porte-paroles et secrétaires) Soit pas moins de 11 personnes ayant potentiellement légitimité à s’exprimer au nom de leur parti. Comment voulez-vous que la population et les médias s’en sortent face à une telle désorganisation ? Ce qui est amusant, c’est que les militants Verts sont persuadés que les médias leur sont hostiles, sans se rendre compte qu’ils sont inaudibles et qu’ils passent constamment pour des rigolos. Ce ne serait pas étonnant qu’aux prochaines Municipales, les Verts se choisissent comme candidat un illustre inconnu (un bègue ça serait pas mal, après la tête de liste qui a peur de parler trop fort et que du coup on n’entend pas), qu’ils mettent 6 mois à constituer leur liste, 6 autres mois à écrire leur programme, et qu’à la fin ils dénoncent les médias qui n’ont pas parlé d’eux, et le Ministère de l’intérieur qui avait programmé la date des élections trop tôt…

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog .