Législative partielle : l’élection est jouée d’avance

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Le dimanche 25 mai, c’est la fête des mères. Le hasard du calendrier a voulu que ce soit également un jour d’élections. Avec du recul on peut dire que le hasard fait bien les choses, et que cette superposition fera baisser un peu l’abstention. En effet, une élection est un rituel républicain, qui permet de maintenir le lien entre le régime en place et la population. La fête des mères est un rituel familial. Et par effet d’entrainement, la participation a un rituel augmente la probabilité de participation à un autre rituel le même jour.

 

Le calendrier et le hasard sont à ce point facétieux que les habitants de la nouvelle 3ème circonscription de la Haute-Garonne auront droit à une élection en rab. Une législative partielle, rien que ça ! Nous avons vu il y a deux semaines que les Européennes ne passionnent pas les foules, au vu du faible impact du résultat d’une euro-circonscription sur l’inertie du parlement continentale de 751 membres de 28 nationalités. Que dire alors de l’influence du résultat d’une législative partielle sur l’Assemblée Nationale de 577 membres, sachant que le député sortant est de l’opposition ? Ce nouveau ex député, est l’ex et nouveau maire de Toulouse, et il a pris la suite de l’ex député-maire de Toulouse, qui aujourd’hui se retrouve au chômage politique après avoir été le premier cumulard de France. Souvent en politique il n’y a pas de demi-mesure. Au moins on peut dire que la boucle est bouclée, et que dans tous les cas il y aura du sang neuf qui sortira de cette élection.

On peut même dire tout de suite qui sera élu, tant il n’y a pas l’ombre d’un commencement d’incertitude sur le résultat final. Cette circonscription a été taillée sur-mesure pour la droite. La candidate UMP (Laurence Arribagé), qui était la suppléante du député démissionnaire est donc certaine d’être élue, d’autant plus qu’elle semble être appréciée, jusque chez les cadres socialistes. La seule question est « y aura-t-il un second tour ? ». On peut à ce propos légitimement questionner l’utilité d’un suppléant de député. À quoi ça sert d’avoir un suppléant s’il ne peut pas remplacer automatiquement le titulaire quand celui-ci démissionne ? Quand on connait le coût d’une élection législative (qu’on peut estimer à facilement plus de 100.000€, et des tonnes de paperasses), en temps de crise et d’austérité on pourrait s’attendre à un peu de rationalité à ce niveau-là. Mais visiblement, la rigueur n’est pas prévue pour le monde politique.

 

Le psychodrame de 2012

En 2012 cette circonscription avait donné lieu à un psychodrame. Les stratèges solfériniens ont donné des postes aux Verts, pensant ainsi les apprivoiser. Si la manœuvre a fonctionné, comme peut le prouver l’étonnante docilité des parlementaires prétendument écologistes, je reste toutefois dubitatif quant à l’intérêt pour le PS d’une telle stratégie, qui le fragilise à l’Assemblée, et qui a fait imploser son principal allié au niveau local, avec les conséquences que l’on connait (notamment à Toulouse où les Verts ont sombré à moins de 7% lors des élections municipales). Les Verts ont en effet eu des élus au plus haut niveau, mais ont subi une véritable déroute municipale qui les prive d’élus locaux indispensables à leur survie sur les territoires. Avec en toile de fond une hémorragie militante sévère, les Verts qui se veulent un gros parti rejoignent en réalité à grand pas d’autres partis en déclin de la gauche française tels le PCF ou le PRG. Il est amusant d’ailleurs de noter que les Verts sont souvent accusés dans les médias et par les militants de se PRGisé, et que leur stratégie nationale actuelle (on soutient le gouvernement sans y participer) est la copie conforme de celle du PCF de… 1984. Quand on sait qu’ils accusent les autres partis d’avoir 30 ans de retard, c’est cocasse.

Revenons donc en 2012. Le meilleur candidat de la gauche, l’ex maire de Balma (Alain Fillola) est mis de côté pour catapulter à la place l’ex candidat malheureux à la municipale toulousaine de 2001, spécialiste en défaite électorale, et qui faisait l’unanimité contre lui chez les militants de son nouveau parti, tout comme chez ceux de son ancien parti (François Simon). On peut d’ailleurs se douter que l’actuel patron/parrain socialiste départemental (Pierre Izard) n’est pas étranger à ce coup tordu, en vengeance contre cet ex maire qui avait eu le tort un jour de tenter un putsch contre lui. Un joyeux bazar où la gauche locale pavait d’or pour ses adversaires le chemin qui mène à Paris, mais aussi au Capitole et à la mairie de Balma. Aujourd’hui les candidats de gauche sont des seconds couteaux, voire des inconnus. Cela tranche avec le combat au sommet de 2012, qui a vu s’affronter 3 candidats de premier plan (Jean-Luc Moudenc, François Simon et Alain Fillola).

 

Candidature de Xavier Bigot. Dans quel but et pour quelle utilité ?

Le candidat vert (Xavier Bigot) m’a beaucoup surpris en se présentant à cette élection. Il me surprend beaucoup d’ailleurs depuis quelques années tant je ne réussis pas à comprendre où il veut en venir. Il a pris ma suite à la tête du groupe vert toulousain, probablement étant chaudement encouragé par les notables pour occuper l’espace. Pas sûr toutefois qu’il soit prêt (assez fou ?) pour rempiler tant la charge est ingrate. En effet, au vu du micmac de ce type de responsabilité interne, je ne peux que le croire lorsqu’il a affirmé la semaine dernière dans la presse ne pas chercher à faire carrière en interne de son parti. Il aurait pu être facilement dans les dix premiers de la liste verte toulousaine aux municipales, au vu du mode de scrutin pratiqué, et il a préféré être dans le ventre mou inéligible. Et là, il se présente à une élection perdue d’avance. Il y a peut-être une forme de continuité, puisqu’en tant qu’assistant personnel au Conseil Régional du finaliste à moustache malheureux de 2012 (François Simon), il était également son directeur de campagne et son futur assistant parlementaire. Les cartons étaient d’ailleurs déjà prêts pour le grand déménagement dans la capitale, il s’agit alors peut-être là d’une façon de crever l’abcès tant la défaite de 2012 a du être dure à digérer.

D’autres pourraient penser que c’est une stratégie pour se placer pour les prochaines régionales, mais au vu de la déroute annoncée de la gauche plurielle, ce serait assez téméraire. Il y aussi le côté défi, mais quel défi ? Passer les 5% ? Les 10% ? Les 15% ? Mais dans quel but et pour quelle utilité ? La logique la plus sensée est peut-être encore celle d’occuper le terrain, et de maintenir le contrôle des notables (camp dont il fait partie, tout en gardant une certaine autonomie) au sein du jeu de pouvoir qui existe en interne chez les Verts. Ceci est particulièrement important en cette période trouble, où le contrôle de la situation peut apparaître à certains comme le seul moyen d’éviter l’implosion.

 

Michèle Bleuse, éternelle suppléante

Le principal enseignement de cette candidature reste tout de même sa suppléante, qui a visiblement été intronisée suppléante officielle à toutes les élections. Le choix en soi n’est pas mauvais, tant cette personne avait été plébiscitée par les militants verts en 2012 pour être candidate titulaire sur cette circonscription. Mais on s’attendrait plus à trouver ce type de stratégie pour une tête de liste, dans le but de s’affirmer localement dans une logique à moyen terme, que pour une suppléante.

Accessoirement au niveau programme, le candidat vert souffre de la mauvaise image de son parti qui a plusieurs causes : le fiasco de la participation gouvernementale (qui laissera comme seule trace la marionnette des guignols de leur cheftaine caricaturée en adolescente attardée), la cacophonie médiatique pitoyable des parlementaires verts qui se concurrencent pour savoir qui sera le plus ridicule et la totale déconnexion de ce parti vis-à-vis des réalités de la population (en faisant une fixette sur des débats sociétaux explosifs, débats qui se révèlent malheureusement contre-productifs). Tout cela additionné au parasitage d’une élection européenne difficile.

Comment dans cet environnement réussir à convaincre qu’un député vert de plus changerait quelque chose ? D’autant plus lorsque l’on sait que quelle que soit la couleur du député élu, à part au niveau de la répartition de l’enveloppe parlementaire ça ne changera rien. Dans tous les cas le gouvernement continuera sur la même voie.

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog .