Expulsé de force, le Centre Social Autogéré se trouve un nouveau bastion

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Le 28 août dernier, sous injonction préfectorale, les forces de l’ordre avaient délogé les résidents du centre social, alors implantés dans les anciens bâtiments de l’Afpa. Depuis le 3 septembre, ils occupent les bureaux abandonnés de l’Urssaf rue Demouilles. Pour le collectif Crea et les associations qui soutiennent la cause, le combat continue. Coûte que coûte.

 

Un de perdu, un de retrouvé. « Il y a plus de dix mille logements vides à Toulouse. Nous avons un grand choix » ironise Said Mohamed, l’un des résidents. Accolée au portail automatique, une affichette « Zéro personne à la rue! » plante l’atmosphère. Une nouvelle structure d’accueil qui n’est située qu’à quelques encablures de celle de l’Afpa, désormais murée. Hazel et son amie, que nous appellerons Sarah, racontent les conditions d’une expulsion en grande pompe. « Vers six heures du matin, le quartier était bouclé et presque tous les corps de police imaginables ont débarqué. Ils ont cassé les fenêtres du premier étage pour pénétrer dans le bâtiment et ont saccagé les lieux. Grâce aux nacelles des pompiers, des CRS de montagne sont montés sur le toit pour appréhender quatre de nos résidents. Un de nos camarades s’est même fait tazé à cinq reprises ». D’autres personnes, qui tentaient de bloquer l’accès au pont des demoiselles lors de l’intervention, auraient subi des coups. Pas de quoi impressionner précaires et travailleurs sociaux, habitués à ce genre de traitement. « Suite à l’expulsion, encore plus de gens sont venus ici pour trouver un hébergement. C’est une mauvaise stratégie de la part de la préfecture » juge la jeune fille. Ces locaux, raccordés d’origine à l’eau et l’électricité, s’étendent sur près de six mille mètres carrés. Une vaste surface que la ville de Toulouse laisse étonnamment vacante depuis six ans. C’est dire si l’aubaine était toute trouvée.

 

« Une action citoyenne »

Une semaine a suffit au collectif Crea pour reloger ses hôtes. Durant cette période, les expulsés se sont dispatchés, hébergés les uns les autres dans un esprit d’entraide et de débrouille. L’une des résidentes, surnommée « Jeanne de Toulouse », insiste sur ce point. « Notre principal objectif est de loger toutes ces personnes qui vivent dans des conditions pénibles et insalubres. C’est aussi une façon de vivre alternative, basée sur la solidarité et la gratuité. En clair, de récréer des rapports humains dans une société où seule l’économie prime ». Pour Said Mohamed, rendre habitables les deux grands bâtiments de la rue Demouilles n’est qu’un début. « Beaucoup d’autres familles ont besoin de logements. Nous allons investir toute la place dont nous avons besoin. Aucun local vide ne sera épargné, en particulier ceux des banques et des assurances. Ces riches directeurs, tous propriétaires de résidences secondaires, veulent revendre ces bâtiments et spéculer dessus. Nous ne sommes pas d’accord ». L’homme développe également des revendications précises. « C’est une action citoyenne avant tout. Les prix des loyers sont hors d’atteinte, ils doivent être revus à la baisse. Nous voulons exercer nos droits et pouvoir occuper l’espace. Il est impératif que l’occupation soit aujourd’hui considérée comme une réquisition, de manière à faire exister ces lieux. C’est une question de justice ».

 

Christophe Guerra