Toulouse : une militante du CREA écrit à François Hollande

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Accusés de dégradations aggravées sur une maison réquisitionnée, trois militants du CREA et du GPS ont été condamné le mois dernier par le tribunal de grande instance de Toulouse à un mois de prison avec sursis avec 5 ans de mise à l’épreuve, plus une amende de 2400 euros. Suite à cette décision, Eléonore Banderly, éducatrice spécialisée à la Maison Goudouli à Toulouse et elle-même condamnée, a écrit au président de la république pour exprimer son incompréhension. Voici sa lettre ouverte à François Hollande.

« Monsieur le Président de la République Française,

Je suis éducatrice spécialisée à la Maison Goudouli à Toulouse. C’est un lieu de vie adapté où habitent des personnes très fragilisées par des années de vie à la rue. Chaque jour je constate le mieux-être de ces personnes, la reconstruction de liens sociaux, la reprise de repères, l’émergence de désirs. Elles ont trouvé ici un lieu pour se poser, réapprendre à s’aimer et à aimer la vie. Malgré toutes les séquelles de ces années antérieures difficiles, elles peuvent ici, au moins, mourir dignement.

Nous avons créé ce lieu, avec un collectif de travailleurs sociaux et de citoyens concernés, il y a 2 ans, suite à la fermeture, faute de budget d’Etat suffisant, de deux centres d’hébergement d’urgence. Nos nombreuses alertes, quant à la survie de ces personnes, n’ayant pas donné suite, nous avons dû nous contraindre à passer par la réquisition citoyenne.

Le bâtiment réquisitionné permettait d’abriter 20 personnes en grande précarité (via le projet de la Maison Goudouli), et 9 familles et 10 personnes seules (environ 50 personnes, via le projet de la CREA : Campagne de Réquisition, d’Entraide et d’Autogestion). Après maintes négociations, la Maison Goudouli a été légalisée en janvier 2012, par contre, les 9 familles et les 10 personnes seules ont été expulsées fin août dernier.

Après un an et demi de cohabitation, j’ai assisté au violent retour à la rue de ces femmes, ces enfants… de nos voisins. Suite à l’expulsion de ce bâtiment d’Etat appartenant au ministère des solidarités et de la cohésion sociale, ils ont trouvé refuge, durant un mois, dans un bâtiment de l’URSSAF. L’expulsion, fin octobre, de 100 personnes cette fois-ci, fut toute aussi violente et démesurée.

Début novembre, dans l’urgence de l’hiver approchant, une grande maison pouvant abriter 4 familles a été trouvée. Cette maison était vide depuis plusieurs mois (et l’est toujours aujourd’hui), et avait déjà été investie quelques nuits par des personnes « en galère ». Au bout de quelques jours, nouvelle expulsion. Cette fois-ci avec condamnation des occupants, des serrures y auraient été abimées…

Je ne comprends pas. Je ne comprends pas un tel déchainement répressif sur des personnes qui ne font que s’entraider et se protéger.

Je ne comprends pas pourquoi il est plus important pour vous que les personnes subissent leur misère plutôt qu’elles essayent de se débrouiller.

Je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui je suis condamnée à un mois d’emprisonnement avec sursis, 5 ans de mise à l’épreuve et une amende de 2450E à payer.

Je ne comprends pas en quoi je suis plus dans l’illégalité que vous qui avez la responsabilité de faire appliquer la loi d’inconditionnalité et de continuité de l’hébergement (loi MOLLE*), le droit fondamental au logement, et le devoir de ne pas expulser sans relogement.

Je ne comprends pas pourquoi la solidarité et la fraternité (normalement si cher à ce pays) sont plus condamnables que de laisser mourir des gens à la rue.

Dans l’espoir que la loi de réquisition soit enfin appliquée, veuillez recevoir, Monsieur le Président, mes respectueuses salutations. »

Banderly Eléonore

 

Communiqué de presse