Le Théâtre du Capitole rend hommage à deux des plus grands chorégraphes du XXe siècle

898
Kader Belarbi a choisi de rendre hommage à Serge Lifar (photo). Photo / Crédit Gaston Paris Roger Viollet.

Pour sa troisième saison en qualité de directeur de la danse du Théâtre du Capitole, Kader Belarbi a choisi de rendre hommage à deux des plus grands chorégraphes du XXe siècle qui ont donné un élan essentiel au style néoclassique narratif pour le ballet : Serge Lifar avec Les Mirages et Roland Petit avec Les Forains. L’Orchestre national du Capitole, dirigé par Philippe Béran, interprétera la musique du compositeur français Henri Sauget qui a écrit pour les deux chorégraphes. Deux questions à Kader Belarbi, directeur de la danse.

 

Vous avez décidé d’ouvrir la saison chorégraphique 2014/2015 avec deux pièces de deux chorégraphes majeurs du XXe siècle, Serge Lifar et Roland Petit. Pourquoi le choix de ces deux ballets Les Mirages et Les Forains ?

Kader Belarbi : Voici la troisième saison que je mets en place et je poursuis mon objectif de doter le Ballet du Capitole d’un répertoire fait d’une diversité de styles et d’esthétiques. Je suis heureux d’inscrire au répertoire du Ballet du Capitole des personnalités incontournables de l’histoire de la danse comme Serge Lifar et Roland Petit. La saison dernière, nous avons intégré des ouvrages de Rudolf Noureev et de Maguy Marin.

Au fur et à mesure, le Ballet du Capitole inscrit sa propre histoire de danse avec des danseurs qui s’enrichissent et je joue de tout cela pour l’offrir au public. Comme pour Stravinski et la danse, programme qui a débuté mon mandat au Ballet du Capitole, j’aime l’idée de programmer une soirée de ballets autour d’un seul grand compositeur. Henri Sauguet a composé une musique lyrique et raffinée pour ces deux grands chorégraphes que sont Serge Lifar et Roland Petit. Personnellement, j’ai eu la chance de croiser Henri Sauguet et Serge Lifar lors de la reprise des Mirages à l’Opéra de Paris, en 1986, alors que je faisais ma prise de rôle du Jeune Homme avec Noëlla Pontois dans le rôle de l’Ombre. Par la suite, je l’ai dansé à de nombreuses reprises avec d’autres partenaires ainsi que deux autres ballets de Lifar, Roméo et Juliette et Suite en blanc. En ce qui concerne Roland Petit, j’ai eu la chance d’être choisi par lui pour l’entrée au répertoire du Jeune Homme et la Mort à l’Opéra de Paris, en 1990, et de danser au moins une huitaine de ses illustres ballets. Ma rencontre avec les ballets et le style de ces deux chorégraphes me permet aujourd’hui de transmettre ce que je sais aux danseurs du Ballet du Capitole. Philippe Béran, chef d’orchestre de l’Orchestre de la Suisse romande, dirige cette soirée de ballets avec l’Orchestre national du Capitole.

Il y a bien entendu un style Lifar comme il y a un style Petit, à l’exemple de tous les chorégraphes dotés d’une forte personnalité. Serge Lifar est une figure des Ballets russes. Héritier de l’école russe, il a su donner un nouvel élan au ballet néoclassique narratif. Son style se révèle à travers la codification de la sixième et de la septième position, l’arabesque droite à celle oblique, le décalé, le déhanché, les bras arrondis, le relâché de certaines poses…

Le temps estompe son influence mais Serge Lifar fait partie du patrimoine et de la culture des danseurs français (…)

Présageant de la qualité narrative de ses chorégraphies aux atmosphères et personnages colorés, Les Forains a été créé au début de la carrière de Roland Petit, en 1945, sur un livret de Boris Kochno et a été exécuté en 13 jours. Roland Petit est à la croisée des chemins de l’école française et de tout l’héritage des Ballets russes. Il a créé et agi comme un catalyseur à travers ses nombreuses collaborations. De par son effervescence artistique et sa signature chorégraphique, il s’inscrit dans l’histoire du ballet français. Ses chorégraphies puisent souvent dans les références littéraires. De nombreuses générations de danseurs ont habité ses ballets mythiques des Forains à Carmen ou à Notre-Dame de Paris. Usant du langage classique, il est un maître des adages. Avec un grand sens du spectacle, il a su donner vie à des personnages d’une telle force que les danseurs rêvent de les incarner (…)

 

Que peuvent apporter ces pièces aux danseurs du Ballet du Capitole et au public ?

Kader Belarbi : Ces deux ballets correspondent à ce qu’on appelle en danse, l’école et le style français d’une époque et pour moi, il est important de perpétuer une certaine tradition. Je ne sais que trop l’importance de la présence de ceux qui ont dansé les ballets et qui ont une légitimité à transmettre leur vécu et leur savoir. J’ai fait appel à Monique Loudières et Fabrice Bourgeois pour remonter le ballet Les Mirages et à Claude Bessy, qui porte un regard de fidélité à Serge Lifar sur l’ensemble de sa production. Il en est de même pour Les Forains avec Luigi Bonino et Jan Broecks, deux anges gardiens des ballets de Roland Petit.

Le Ballet du Capitole a reçu l’autorisation de la Fondation Serge Lifar de présenter Les Mirages en tournée, ce qui est, à ce jour, inédit. Je suis heureux que les danseurs du Ballet du Capitole s’emparent d’une nouvelle histoire de danse.

 

C de P