Prism : « Sur internet, considérez que tout ce que vous faites est public »

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Prism, le programme américain de la NSA, qui a accès aux serveurs des plus grands acteurs du Web (Google, Microsoft, Facebook) afin de consulter des informations de leurs utilisateurs, mais aussi des institutions comme l’UE, est en train de créer une polémique sans précédent. Jean-Nicolas Piotrowski, expert en sécurité informatique et fondateur de la société toulousaine ITrust, revient sur les causes et les conséquences de « l’affaire Prism ».

 

Toulouse Infos : A travers le programme « Prism », les américains espionnent l’Union Européenne mais également ses citoyens. Techniquement, comment ça marche ?

Jean-Nicolas Piotrowski : « On a à faire à un gros scandale informatique. L’administration Obama, via son programme PRISM, espionnerait des millions de citoyens à travers des serveurs branchés sur Facebook, Google, Apple, Yahoo et autres géants du web. Même l’administration européenne est surveillée. La France aussi. Bref, ‘Big Brother is watching us’. Et à l’heure du ‘Big Data’, c’est-à-dire le traitement et l’analyse intelligente de millions de données en temps réel, ce n’est pas près de s’arrêter.

T.I. : C’est donc une affaire d’espionnage informatique ? Cela est-il vraiment une nouveauté ?

JNP : L’espionnage cybernétique a toujours existé, et la France aurait sans doute fait la même chose si elle en avait eu les moyens. L’État déploie d’ailleurs déjà des moyens pour surveiller internet. Le problème, c’est que la France n’est pas les États-Unis. Les géants de l’internet sont tous américains. Et même si l’on peut essayer de croire à leur bonne foi, ces sociétés restent américaines. Les liens sont très forts. On pourrait d’ailleurs se dire que si une politique ambitieuse sur le numérique avait été lancée il y a quelques années, peut-être que nous serions mieux armés pour affronter le monde qui vient.

T.I. : Ce serait donc la fin de la vie privée ?

JNP : Au risque de paraître défaitiste, je crois qu’il faut abandonner aujourd’hui le mythe selon lequel il y aurait une vie privée sur internet. Sur internet, considérez que tout ce que vous faites est public. Parce que c’est le cas. Tout est inscrit. Rien ne s’efface véritablement. Je ne dis pas qu’il ne faut pas agir pour préserver la vie privée des internautes et lutter contre la surveillance en temps réel de vos faits et gestes sur la toile. Il faudra certainement travailler, au plan international, et surtout européen, à la constitution d’un ‘Privacy Act’, étape importante et cruciale, autant que l’a été la déclaration universelle des droits de l’homme après la révolution française.

TI : Quelles solutions préconisez-vous pour lutter contre l’espionnage informatique et protéger ses données privées ?

JNP : Il faut que les gens face appel à des solutions européennes. I-Trust, la start-up toulousaine que j’ai monté, traite les données clés et permet de respecter des basiques de sécurité. Grâce à l’outil « I-care », on augmente le niveau de sécurité de 90% et on préserve la confidentialité, grâce aux basiques de sécurité (mot de passe, firewall, antivirus, répertoire partagé) que nous mettons en place.

TI : Les experts informatique avaient anticipé « l’affaire Prism », quel est, d’après vous, le prochain scandale ?

JNP : C’est le profilage des citoyens. Les gouvernements ou les entreprises seront capable de cataloguer n’importe qui et s’immiscer dans sa vie privée. C’est déjà un peu le cas mais, plus encore, les données médicales seront inspectées à des fins économiques, notamment par les assurances. Et puis ce qui nous attend vraiment à moyen-terme c’est  ‘le cyber pearl-harbor’ : dans 5 ans il y aura un vaste blocage des énergies et des installations via des virus informatiques. On n’est pas à l’abri d’une guerre cybernétique. »

 

Propos recueillis par Alexandre Blenzar