Tuerie d’Ozar Hatorah : « je me souviens du silence qui régnait sur les lieux »

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Un an jour pour jour après que Mohamed Merah n’ait fait irruption dans l’école juive Ozar Hatorah pour abattre 3 élèves et un professeur, une marche blanche est organisée ce dimanche à 10h au départ de la place Saint Etienne. Une heure plus tard, Pierre Cohen et François Hollande prendront la parole pour rendre hommage aux victimes du tueur au scooter. Nicole Yardeni, présidente du CRIF Midi-Pyrénées revient pour nous sur cette « dure » journée et sur l’état d’esprit actuel de la communauté juive de Toulouse.

 

Toulouse Infos : Pouvez-vous nous parler de ce 19 mars 2012, jour de la tuerie de l’école Ozar-Hatorah ?

Nicole Yardeni : On me demande toujours les images que j’ai gardé de cette journée mais ce sont plutôt des paroles qui me reviennent. La première parole vient de mon cousin qui avait deux enfants dans l’école et qui m’a appelé aux alentours de 8h10. Il a fallu qu’il me répète trois fois qu’il y avait eu une ‘fusillade à Ozar Hatorah’ pour que réellement je comprenne. Quelques minutes plus tard, j’ai reçu un appel du président de la communauté juive de France. ‘Tu sais ? Oui. Tu sais pour les morts ? Oui. Je prends le premier avion’. C’était tout, pas besoin d’en dire plus.

TI : Puis vous vous êtes rapidement rendue à l’école…

NY : Oui, je me souviens du silence qui régnait sur les lieux mais également des paroles du procureur Vallet qui a été formidable. Enfin je me souviens des mots de Jean Paul Makengo (adjoint au maire en charge de la diversité). ‘Tiens-toi Nicole’ m’a-t-il dit avant que je m’adresse aux enfants. Je leur ai ensuite dit qu’il était parfois dur d’être juif et qu’il leur fallait parler, parler et encore parler.

TI : Vous parlez souvent de la haine de certaines personnes envers la communauté juive, mais les enfants en sont-ils conscients également ?

NY : Oui, on leur inculque de se souvenir du tort subi mais sans jamais se positionner en victime. Une réalité qu’ils assimilent à travers l’histoire d’Haman : ‘Au temps de Mardochée et d’Esther, le peuple juif a dû affronter un ennemi décidé à l’exterminer (Haman). La défaite de cet ennemi est célébrée lors de la joyeuse fête de Pourim’. Il y a un Haman dans chaque génération, et les enfants le savent. Pour autant, la fête de Pourim (mardi gras) n’est pas triste, bien au contraire.

TI : Un an après, dans quel état est la communauté juive de Toulouse ?

NY : Il faut prendre conscience que c’est un homme isolé. La crainte va progressivement s’effacer mais les insultes vont, elles, continuer surtout à Toulouse où il manque un leader charismatique aux musulmans. Aujourd’hui, certaines personnes quittent Toulouse car ils sont fatigués de se justifier en permanence.

TI : Que pensez-vous de l’organisation de la marche blanche de ce matin à 10h ?

NY : Nous souhaitions que l’Etat et les collectivités se saisissent de l’organisation et c’est le cas. C’est donc une bonne chose. Je regrette cependant les nombreux changements d’horaires de la marche qui risquent de nuire à la mobilisation. Mais cette marche reste symbolique. Nous voulons aller plus loin en proposant une réflexion sur le lien entre la haine antisémite et la haine de la France. Nous allons nous réunir dès mardi à 18h à l’espace du judaïsme pour réfléchir sur le sujet.

TI : Qu’attendez-vous du discours du président de la république François Hollande ?

NY : Je voudrais qu’il porte la réflexion au niveau de la République. Il y a beaucoup de façon d’être Français, mais la République doit rester au centre de tout. Robert Badinter disait : ‘je suis Français, Républicain et Juif et rien n’est au-dessus de l’autre’. De nombreuses personnes l’ont compris, le tueur non…

 

Propos recueillis par Guillaume Truilhé