Mariage pour tous: un prêtre toulousain évoque « la gravité d’une loi qui en appellera d’autres »

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Le projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples homosexuels ne laisse décidément personne indifférent. Début novembre, l’archevêque de Toulouse Monseigneur Robert le Gall avait adressé une lettre aux prêtres de son diocèse afin de les inviter à lancer le débat. Dans un communiqué public, il expliquait les raisons de son opposition à l’union des homosexuels ainsi qu’à la possibilité pour eux d’adopter des enfants. Une posture peu surprenante dont on pourrait peut-être penser qu’elle puisse s’imposer aux hommes de foi locaux. Toulouse abriterait-il néanmoins quelques voix divergentes, voire dissidentes? Eléments de réponse avec le Frère Arnaud Blunat, prêtre à la paroisse Notre-Dame du Rosaire.

 

Toulouse Infos: A titre personnel, êtes-vous également opposé au mariage pour tous?

Arnaud Blunat: Oui, et l’opposition est générale au sein du diocèse. Je ne vois pas où est la pertinence de ce projet de loi, car ce n’est pas en reconnaissant le droit au mariage des homosexuels que les problèmes seront résolus. C’est une loi non seulement inappropriée mais qui amènera aussi à la confusion et la destruction des repères. Elle dénature le mariage et fait peser une menace sur la filiation en dissociant sa nature biologique de sa nature sociale. Au nom du principe d’égalité, des personnes demanderont ensuite l’adoption et la procréation médicalement assistée. Pour les partisans du mariage ouvert à tous, il faut absolument aller plus loin et gommer les différences hommes-femmes. Ce n’est ni sain ni raisonnable. On sait bien que cette loi en appellera d’autres. Il sera difficile d’ici là de poser des limites.

 

T.I: Des membres du diocèse ont-ils participé à la récente manifestation à Toulouse ou bien les fonctions que vous exercez vous contraignent à un certain retrait?

A.B: Je n’étais pas ici à ce moment-là, mais je sais que des responsables, des prêtres et des chrétiens se sont joints à la manifestation. En tant que croyant, on ne peut être indifférent à ce genre de sujet. La Bible nous propose une vision de l’homme qui est là renversée. En revanche, aucun mot d’ordre n’est donné. C’est une question concerne l’ensemble de la société. L’Eglise accueille et respecte les personnes homosexuelles. Mais de là à vouloir institutionnaliser ce type de relation et d’arriver à autoriser la procréation sous prétexte d’une égalité, il y a de quoi être surpris.

 

T.I: Elie Geffray, maire d’une ville bretonne mais aussi prêtre, a rendu public son avis favorable au projet de loi. Cette prise de position vous parait-elle cohérente et tenable?

A.B: Je n’ai que vaguement lu un petit article sur le sujet mais je trouve cela aberrant. Pour moi, c’est une position maladroite et totalement irresponsable. On en a beaucoup parlé car c’est quelque chose qui détonne, mais cela reste insuffisamment fondé. Cet homme qui prétend être pour ce projet de loi au nom de la justice assume ses déclarations. Mais je ne puis le suivre.

 

T.I: Concernant plus précisément l’adoption et la procréation médicalement assistée, quel sont les raisons de votre opposition?

A.B: Un enfant a besoin de se construire à travers la figure d’un père et d’une mère. On voit déjà la difficulté identitaire et historique éprouvée chez les enfants adoptés par un couple traditionnel. Ne créons pas des problèmes et des souffrances supplémentaires. Bon nombre de ces enfants n’accepteront pas cette situation et vivront un mal-être profond. Si la loi continue à progresser, nous pourrions même arriver à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui. C’est ainsi l’accès aux origines qui risque d’être modifié, voire falsifié. Ces enfants-là s’ajouteraient à tous ceux qui sont déjà en souffrance. On ouvrirait pour les années à venir des bouleversements considérables. Il est quand même légitime de s’interroger sur la gravité d’une telle loi.

 

Propos recueillis par Christophe Guerra