Toulouse: un millier d’agriculteurs mobilisés contre un « délire environnemental »

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Vendredi, près de mille agriculteurs ont défilé dans les rues de la ville pour protester contre la réglementation européenne liée à la nouvelle carte des « zones vulnérables ». Ces mesures, visant à limiter la pollution des eaux en nitrate, leur imposeraient des contraintes beaucoup trop lourdes à supporter. A l’appel du syndicat FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, des exploitants agricoles venus de Midi-Pyrénées, d’Aquitaine et de Poitou-Charentes ont campé devant la Préfecture. Sabots et roues à l’appui.

 

Ils sont bien décidés à en faire un foin. Vendredi, les agriculteurs sont venus en masse exprimer leur colère envers les « bureaucrates de Bruxelles » et leurs projets. Dernièrement, la commission européenne a en effet décidé l’extension des zones dites « vulnérables », au sein desquelles la concentration en nitrate serait trop élevée ou potentiellement dangereuse. Midi-Pyrénées, inclue dans le bassin Adour-Garonne et vivier agricole, est évidemment concernée. Cela implique des travaux de mise aux normes, notamment en matière de stockage de fumier. Le coût estimé pour les professionnels de la région est aujourd’hui estimé à 100 millions d’euros. « Les vaches et l’eau font eux aussi ce pays. Là, ils ne veulent plus d’eau et plus aucun animal. Ils veulent nous empêcher de produire » s’étrangle Etienne Barada, président des Jeunes Agriculteurs en Midi-Pyrénées. « Derrière, c’est le désert et la décroissance. Ces gens qui décident pour nous ont toujours eu l’assiette pleine sans jamais se soucier de ce qu’ils mangent. Aujourd’hui, le schéma est le suivant: piquer notre eau pour la mettre dans les villes. C’est la fin de nos campagnes » s’indigne t-il. Cette campagne était elle aussi sur le terrain. Près de quatre-vingt tracteurs ainsi que quatre vaches ont investi les alentours de la place Saint-Etienne. Des efforts logistiques importants faits par les exploitants pour prouver une détermination sans faille. Des éléments « du terrain » pour faire comprendre que la menace pesant sur l’agriculture française et locale est bien réelle. On appelle cela l’éternel retour du concret.

 

« Arrêter ces suspicions sur l’agriculture »

Peut-on envisager une crise des vocations ? A examiner la situation du monde agricole de ces dernières années, c’est à craindre. La grogne enfle, et les cadres législatifs toujours plus strictes ne cessent de s’abattre. Celle sur la prévention de la pollution des eaux en nitrate semble être la goutte de trop. « Une règlementation qui tue l’agriculture et qui ne sert en rien la santé des citoyens » se lamente un responsable du syndicat FNSEA. « Arrêtons de nous imposer n’importe quoi. Nous avons du bon sens agricole, tout de même » s’énerve t-il. « Je m’adresse à tous ces jeunes qui travaillent dur, à tous ceux qui croient en notre capacité de créer des produits de qualité. Il faut que nous fassions entendre notre colère ». Thierry Campastin, exploitant dans l’Aveyron où « l’irrigation n’est pas facile », voit dans ces mesures européennes une entreprise de sabotage. « Nous sommes là dans le délire environnemental. S’ils veulent poursuivre la déstructuration de l’agriculture et de l’élevage, il faut qu’ils continuent dans ce schéma-là ». Un délire qui n’est autre qu’une crainte portée sur la « sainteté » des aliments consommés, qui ne peuvent être produits sans un apport d’eau massif. « Il faut qu’on arrête de telles suspicions sur l’agriculture. Que les technocrates arrêtent de nous imposer des choses qui ne collent pas du tout à la réalité du terrain » fulmine Bertrand, éleveur dans le Lot-et-Garonne. Au cours de leur entretien, exploitants agricoles et responsables de la préfecture ne seraient pas parvenus à trouver un terrain d’entente. Celle-ci rappelant que la définition de nouvelles zones vulnérables répondait de directives européennes, auxquelles elle ne pouvait s’opposer. De quoi envisager pour les prochaines semaines un conflit bien enlisé.

 

Christophe Guerra