Nicole Yardeni: « sécuriser les bâtiments juifs de Toulouse est une question de survie »

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L’effroyable tuerie perpétrée par Mohamed Merah à Toulouse en mars dernier a touché la communauté juive en plein coeur. Le raid sanglant de l’école Ozar Hatorah, mais aussi d’autres agressions ciblées, suscitent aujourd’hui ses plus vives inquiétudes. Sous l’impulsion de Manuel Valls et de François Hollande, une sécurisation accrue des bâtiments juifs toulousains a été mise en place. Un climat anxiogène que le Premier ministre israélien, en déplacement dans la Ville Rose, a lui-même tenté d’apaiser. Nicole Yardeni, présidente du la Communauté Représentative des Instances Juives (CRIF) en Midi-Pyrénées, revient sur ces évènements et analyse la situation.

 

Toulouse Infos: Avez-vous vu d’un bon œil la récente visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Toulouse, décriée par certains ?

Nicole Yardeni: C’était une visite historique, d’autant plus que François Hollande et lui sont venus ensemble. Les propos du Président de la République ont permis de comprendre l’attachement fort de la France aux juifs. La position et la responsabilité du CRIF est de défendre la légitimité de l’existence de l’Etat d’Israël. On peut tout à fait critiquer la politique menée par celui-ci, mais je trouve surprenant qu’on focalise dessus alors que beaucoup d’autres conflits se jouent dans le monde. Comme l’a très bien dit François Hollande, Israël a été créé après la seconde guerre mondiale dans l’idée d’être un refuge éventuel, au cas où la communauté serait à nouveau persécutée. Aujourd’hui, celle-ci s’inquiète pour son avenir. C’est en cela qu’un chef d’Etat israélien a été reçu par le président.

 

T.I: François Hollande a regretté l’attitude « incorrecte » du Premier Ministre israélien qui aurait transformé la cérémonie en « meeting électoral ». Que pensez-vous de ces propos ?

N.Y: Les présidents de la République ont un langage « on » et un langage « off ». En l’occurrence, il s’agit d’une déclaration « off » qui me semble tout à fait acceptable. Quoi qu’il en soit, la cérémonie était admirable. C’est extraordinaire qu’un Président de la République française vienne dire que l’antisémitisme sera fermement combattu.

 

T.I: Mais finalement, l’affaire Mohamed Merah n’est-t-elle pas qu’un cas isolé ?

N.Y: C’est un évènement très extrême, mais pas isolé. Car les actes antisémites n’ont pas chuté par la suite, mais ont plutôt progressé. Tout comme les actes et les discours islamophobes.

 

T.I: Les mesures de sécurisation renforcée autour des établissements juifs de Toulouse vous rassure ?

N.Y: Bien évidemment, la présence de policiers atténue la peur, même si nous craignons plutôt les attaques de cibles molles. Pour certains enfants juifs, dans le métro par exemple, c’est parfois difficile. A l’heure actuelle, ces mesures de sécurité sont très intensifiées, et ce n’est malheureusement pas la première fois. Comme toujours, nous préférerions qu’elles ne soient pas nécessaires. Hélas, elles le sont. Elles constituent une question de survie.

 

T.I: Objectivement, y a t-il aujourd’hui une réelle menace sur la communauté juive française ?

N.Y: L’expression de la haine des juifs augmente, à travers des discours extrêmement violents dans le monde. Des messages de ce type sont entendus ici en France. A partir des années 2000, il a été très difficile pour le gouvernement de mesurer cette haine car elle ne venait plus exclusivement de l’extrême-droite. L’antisémitisme augmente beaucoup en période de crise identitaire et sociale, quand les gens ont besoin de désigner des boucs émissaires. Mais l’antisémitisme existe depuis toujours, seuls ses mythes fondateurs évoluent avec le temps. Il est comme une hydre qui se reconstitue sous des formes différentes. Avec comme constante, le fantasme des juifs comme source du mal du monde.

 

Propos recueillis par Christophe Guerra