Entre émotion et colère après la mort de Cindy, une sans-abri toulousaine

2013

Son décès a secoué son monde, et pour certains ravivé quelques aigreurs. Cette figure emblématique des rues de Toulouse vivait sous le Pont des Catalans avant d’être « relogée » avec ses compagnons dans plusieurs terrains vagues. Récemment, celle que tous décrivent comme une battante avait obtenu une place dans un petit appartement. Mais Cindy, la grande gueule au cœur tendre, est décédée jeudi dernier d’un arrêt cardiaque, seule dans son studio de fortune. Elle avait 41 ans.

 

C’est un accident de parcours qui avait jeté Cindy à la rue. Après quelques petits boulots, elle avait travaillé comme aide-soignante à Paris. Licenciée, la jeune femme s’était retrouvée à la rue et dû vivoter dès lors dans la débrouille quotidienne. Avec huit autres personnes et une quinzaine de chiens, elle vivait jusque l’an dernier sous le Pont des Catalans. Des conditions très dures, où froid, insalubrité et rongeurs n’ont jamais fait de cadeaux. Les Enfants de Don Quichotte, la porte-parole du NPA Myriam Martin et d’autres personnes avaient alerté la mairie sur l’urgence de la situation. Dans un premier temps, les sans-abris avaient été déplacés sur un terrain à Sesquières, à proximité d’un camp de gitans. Ils n’étaient restés là qu’une seule nuit. « L’endroit était dégueulasse. En plus, ils s’étaient fait caillasser toute la soirée. Ils avaient même reçu un cocktail molotov » se rappelle Patricia, qui a bien connu le petit groupe à cette époque. Ensuite, la municipalité les avait redirigés vers un terrain vague proche de l’hôpital Purpan, cerné par le périphérique. Là encore, ce n’était pas exactement le paradis, comme le raconte Patricia. « On leur a juste donné des tentes. Le terrain était tellement abrupt qu’on ne pouvait même pas planter des sardines pour les maintenir. On prenait des risques fous sur le périph’ pour récupérer les tentes qui s’envolaient. Et il n’y avait même pas de sanitaires ». Navrant. « On a du se battre pour tout, l’eau, l’électricité…Ils ont foutu un algeco pour se donner bonne conscience. Mais ils n’avaient que ça pour se chauffer et s’abriter de la pluie, du coup, ils dormaient tous entassés dedans ».

 

« Un grand foutage de gueule »

La municipalité, elle, aurait fait trainer la situation. « Ca a été un grand foutage de gueule. Ils allaient tous les quinze jours à la Mairie pour se faire balader. Les gars de la municipale leur proposait un appartement, ce qui était impossible avec les chiens. Ils étaient à côté de la plaque » juge Patricia, pour qui Cindy a été abandonnée à elle-même. « La solution n’est pas de cloitrer tout ce monde dans des studios. Ces gens-là ont besoin de réinsertion, il y a un énorme travail d’accompagnement à faire. Le cas de Cindy nécessitait des soins médicaux et surtout pas d’être isolée. C’était complètement irresponsable de la part de la mairie. En fin de compte, on a juste voulu éloigner la pollution visuelle ». Pour cette ancienne de la rue, la colère est visiblement profonde. Isabelle Bricaud, des Enfants de Don Quichotte, a elle aussi bien connu la défunte. Elle ne blâme pas la municipalité mais déplore le manque d’accompagnement. « Il faut des travailleurs sociaux qui suivent les sans-abris au quotidien. Ces gens-là doivent être entourés. Il faut que l’Etat le comprenne et mette le budget nécessaire ».

 

« Une personne très respectée dans la rue »

Cindy était certes toxicomane, mais elle avait réduit sa consommation de drogue. Comme le décrit Patricia, elle était loin d’être une épave ou un cas désespéré. « La dernière fois que je l’ai vu, elle allait mieux. Cindy était gravement attaquée par la vie mais elle avait envie de s’en sortir. Elle avait sa tête et ne perdait pas le nord. Même dans la mouise, elle aidait les autres quoi qu’il arrive. C’était une personne très respectée dans la rue. Sa mort a été un choc ». Isabelle Bricaud partage le propos. « Cindy était une battante, c’est elle qui a tenu le groupe. Tout le monde disait qu’elle était leur mère à tous. C’était une belle personne qui est partie trop tôt ». Un rassemblement en son honneur est organisé aujourd’hui à 16 heures sur la place du Capitole. L’occasion de rendre un dernier hommage à cette princesse au grand cœur.

 

Christophe Guerra