Cannabis : feuille de parcours d’un ex-cultivateur toulousain

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De plus en plus d’usagers franchissent le cap et mettent la main à la patte. En sensible augmentation, on estime aujourd’hui entre 150 000 et 200 000 le nombre de cannabiculteurs en France. Peu étonnant, lorsque l’explosion de la consommation et des prix sont mis en balance. Coûts, rentabilité ou encore sécurité semblent constituer des atouts convaincants pour ces cultivateurs en herbe. Toulouse Infos est allé à la rencontre de l’un d’eux.

 

En cinq ans de jardinerie illégale, l’homme a une bonne expérience de la culture cannabique. Jérôme (*) consommait déjà régulièrement des joints avant de se lancer, en 2006, dans les joyeusetés botaniques. « L’auto-culture revient bien moins cher que l’achat traditionnel. Cela évite ainsi de donner de l’argent à des gens qui font du trafic. Et puis, cultiver soi-même est aussi un moyen de contrôler la qualité du produit. L’herbe vendue par un dealer n’est pas forcément saine. Quant au shit, n’en parlons même pas » explique t-il. Après une première tentative peu fructueuse, Jérôme décide de poursuivre l’aventure en intérieur, chez un ami. Les deux compères veulent s’équiper et dénichent un magasin spécialisé à une soixantaine de kilomètres de Toulouse. Dans le « Growshop », ils achètent des lampes, un ventilateur, du papier Mylar (film plastique anti-chauffant) ainsi qu’un ballast pour la transformation du courant. Ils exploitent pendant quelques mois six pieds de cannabis, parqués dans un placard et couvés comme des œufs en gelée. « Une installation amateur, mais qui était de bonne qualité » juge le cultivateur. Pour la réaliser, quatre cent euros de frais ont été partagés. Dérisoire selon Jérôme, assurant qu’une seule récolte suffit à rentabiliser l’investissement de départ.

 

« On en avait pour 16 000 euros… »

L’année suivante, les deux toulousains mettent les bouchées doubles. Au coeur d’un sous-bois, ils réalisent une plantation en plein air avec pas moins de quatorze pieds-mères et dix boutures. Après cinq mois de travail acharné, certaines têtes en fleurs culminent à un peu plus de trois mètres. « Cela représente un temps de travail assez énorme » se souvient Jérôme. « Au début, on allait là-bas très souvent pour arroser, tous les deux jours à peu près. On devait s’y rendre de nuit, pour plus de discrétion. Sans compter qu’il fallait régulièrement aménager autour pour se prémunir de la poussée des arbres et de l’envahissement des insectes. Et aussi tailler les branches d’une certaine façon pour optimiser le rendement ». Mais les manœuvres vont finir par attirer l’œil. Un soir, l’ami de Jérôme, qui roule en direction du bosquet secret, constate qu’une voiture lui file le train. Il se gare près du fameux emplacement et observe le mystérieux véhicule rebrousser chemin. Deux semaines plus tard, les « cannabiculteurs » locaux font grise mine. Les pieds ont disparus, sauvagement déracinés. Les deux apprentis-jardiniers étaient sur le point d’effectuer leur plus grosse récolte. « Sur l’ensemble de la plantation, on avait estimé une valeur marchande avoisinant les 16 000 euros. Niveau financier, cela m’aurait un peu changé la vie. Après tant d’efforts fournis, c’est vraiment rageant » soupire l’intéressé.

 

« Cultiver est devenu ultra-simple »

Dans le monde de l’auto-culture, l’outil Internet a fait office d’accélérateur de particules. Mine d’or pour les néophytes, une multitude de pages relatives à la sphère « ganja » inspire les botanistes plus chevronnés. Pour Jérôme, c’est le bon filon pour démarrer et booster une activité. « Avec Internet, cultiver est devenu ultra-simple. Il existe des milliers de sites entièrement dédiés à la culture, où l’on peut télécharger des tutoriels gratuits. On peut ainsi prendre connaissance des besoins de chaque plante, détails techniques à l’appui ». Mais si l’accès est simple, supporter la pression liée aux risques l’est peut-être moins. Sur ce point, Jérôme relativise son cas personnel. « Je n’avais pas vraiment peur, parce que je savais que mon casier judiciaire était vierge. Et puis je faisais vraiment gaffe à tout. Si on m’arrêtait, je m’arrêtais, c’était à peu près mon optique. Je ne cache pas qu’il y a pu y avoir des moments flippants, par exemple lorsqu’on transportait l’herbe récoltée dans nos voitures. Là encore, on ne faisait pas n’importe quoi ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Le dernier couac de la plantation saccagée a quelque peu refroidi les velléités herbeuses du cultivateur. Mais il pourrait bien reprendre du service dans quelques temps. « J’avais récupéré toute l’installation qu’on avait utilisé en intérieur, elle est quasi-neuve et en bon état. J’ai aussi en ma possession des graines féminisées toujours fertiles. Je pense m’y remettre plus tard, cette fois-ci chez moi ».

 

Christophe Guerra

 

*Pour préserver l’anonymat de la personne, le prénom a été modifié.

 

Diaporama

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