Prisons : les avocats toulousains dénoncent « une situation qui se dégrade »

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Hier se tenait comme chaque année la Journée nationale des prisons. A cette occasion, le barreau toulousain de la Cour d’Appel s’est exprimé sur les conditions de détention de leurs clients. Et plus spécifiquement, sur la réalité des relations entre avocats et détenus. Selon eux, de graves dysfonctionnements dans les systèmes carcéraux et judiciaires entravent le plein exercice de leur profession.

 

Les prisons françaises se classent parmi les pires en Europe. C’est en tout cas l’édifiante conclusion du rapport de l’Observatoire International des Prisons (OIP), publié en janvier dernier. En cause, un taux de surpopulation de 113% conjoint à une hausse fulgurante des suicides. « La situation s’est dégradée, principalement à cause d’une surpopulation induite par le recours systématique à l’incarcération » confie Alexandre Martin, avocat au barreau de Toulouse. Pour ce fin connaisseur du sujet, l’absence d’accès aux soins est également déterminante. « Il faut savoir que pour 127 détenus, il y a un seul médecin présent une demi-journée par semaine. Pour voir un dentiste par exemple, il faut attendre une semaine et seulement s’il s’agit d’un cas urgent. La santé se dégrade inévitablement dès que l’individu est incarcéré. A Seysses, il y a même des cas de galle. Nous croyons rêver ». Un détail qui a de quoi faire frissonner.

 

L’impossible défense

« L’Etat a t-il vraiment la volonté de faire entrer les avocats dans les prisons ? » interroge Maître Daujam d’un air perplexe. Pour la magistrate, le manque de transparence et d’information à l’intérieur des murs constitue une problématique majeure. « La plupart du temps, le détenu ignore ses droits, ses possibilités de réduction de peine ou de sortie. Il n’y a même pas de liste d’avocats disponibles pour préparer sa défense. Ceux-ci n’ont même pas accès aux commissions d’application des peines » regrette t-elle. « Concernant le règlement intérieur, les textes officiels ne sont pas accessibles aux prisonniers. S’il y a infraction, le surveillant dresse un compte-rendu et l’enquête s’arrête là. Nous sortons des commissions de discipline extrêmement frustrés en tant que défenseur ». Son homologue Alexandre Martin acquiesce. « Les horaires sont décidés par le directeur de la prison et sont très stricts. A Seysses, c’est 16h-18h, point. Parfois, la personne incarcérée ne sait même pas qu’elle doit rencontrer son avocat ».

 

« Changer les mentalités »

Existe t-il des alternatives sérieuses à la détention traditionnelle? Oui répondent unanimement ces plaideurs locaux. Les diverses expériences menées hors de l’hexagone le démontreraient. « Dans le canton de Genève, des condamnés sont placés en milieu ouvert. Dans ces structures, le suicide est quasi-inexistant et une baisse significative de la récidive est constatée. Nous ferions bien de nous en inspirer » glisse Maître Nicolas Chambaret. Pour l’avocate Emmanuelle Franck, il faut nécessairement travailler à « changer les mentalités » pour tracer des perspectives nouvelles en matière d’incarcération. « En France, nous avons donné foi au principe de sanction. C’est quelque chose de très ancré dans notre culture. Dans l’esprit commun, le détenu doit souffrir pour être puni ». « Cette mentalité n’existe pas dans les pays du nord » fait remarquer Maître Chambaret. « Il faut sortir de cette manière de penser ».

 

Christophe Guerra