Pascal Delmas : « Sanofi met une pression psychologique énorme sur les salariés »

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Ce jeudi, la CFDT Sanofi appelle à la grève et encourage les salariés à se rendre en bus à Gentilly ou aura lieu le Comité du groupe pharmaceutique. Un rassemblement est également prévu devant le site de Toulouse au 195 route d’Espagne. Rencontre avec Pascal Delmas, délégué CFDT présent à Paris pour lutter contre le plan R&D et le projet de réorganisation qui touche particulièrement le site de Toulouse.

 

 

Toulouse Infos : Depuis juillet 2012, vous tentez de vous battre pour conserver les emplois sur Toulouse, où en est la situation à l’heure actuelle ?
Pascal Delmas :
En juillet 2012 Sanofi voulait se séparer du site de Toulouse et le gouvernement avait réussi à négocier le départ de 914 personnes. En 2013 la conséquence des autres plans du groupe sur différents sites en France, se solde par 759 départs en Préretraite et 240 départs volontaires. En réalité, 1000 personnes ont donc quitté le groupe, ce qui montre un net dépassement si on prend en compte les emplois en jeux à Toulouse. Nous pensons que Sanofi peut se restructurer, et nous n’allons pas empêcher cela, mais par contre nous sommes contre la suppression d’emploi via des licenciements économiques. À l’heure actuelle, nous sommes sur la nouvelle procédure que la loi prévoit. Nous avons 4 mois pour trouver une solution, et nous en sommes à la moitié. Ensuite, c’est la DIRRECTE qui tranchera. Nous avons terminé la rédaction du livre 1 qui concerne les mesures d’accompagnement pour les employés et il est en cours de négociation. Si nous n’arrivons pas à un accord sur cette première phase de négociation, il faudra repartir à zéro sur d’autres bases. En parallèle, le CCE traite le livre 2 qui peut encore inclure nos propositions qui concernent l’infrastructure, les projets d’organisations.

T.I : Donc le mot d’ordre est d’éviter tout licenciement ?

P.D : Exactement, et on peut dire que ce n’est pas gagné. Nous avons trouvé une solution pour 370 salariées à Toulouse, mais 200 sont encore dans le flou le plus total. De plus, quand on voit que d’autres secteurs comme EADS et autres sont aussi en plan de restructuration, nous ne voulons pas laisser des gens sans aucun avenir.

T.I : Le gouvernement est toujours présent à vos cotés ?

P.D : Oui, il nous suit et nous sommes toujours en contact avec eux. Le comité économique et social ainsi que d’autres instances ont reconnu que l’on voulait s’inscrire dans la recherche de solution et nous épaule dans ce sens pour trouver une solution face aux décideurs. Les comptes rendus, les rapports ainsi que toutes les observations que nous avons circulent entre la DIRECCTE, les syndicats et Sanofi.

T.I : Psychologiquement, comment ça se passe pour les salariés ?

P.D : Les salariés ont du mal à vivre la manière dont la direction communique. Pour arriver à ses fins, Sanofi met une pression psychologique énorme sur les salariés, et certains n’en veulent plus et attendent juste leur chèque pour partir. Ils sont dégoûtés et ne croient plus en l’entreprise. Mais malgré cette guerre, il ne faut pas céder. Nous refusons de croire qu’il n’y a pas d’avenir dans la recherche. Il y a un historique, un tissu et de nombreux éléments qui peuvent permettre de créer un grand pôle de recherche à Toulouse.

T.I : Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

P.D : Nous irons jusqu’au bout, on s’y est engagé, et pour certains c’est leur dernier combat. On n’arrivera peut-être pas au bout du processus avant les élections professionnelles qui approchent, mais nous ne comptons pas laisser tomber. C’est un sujet que nous prenons à cœur et sur lequel nous sommes à 100% dessus depuis juillet 2012. Nous n’avons rien lâché, on est incontournable pour la direction et on est en position de force. Nous comptons obtenir le plus possible en profitant de cette force.

T.I : D’autres plans de restructuration sont en cours, chez EADS et Alcatel, la situation actuelle vous inquiète ?

P.D : Je ne suis pas trop ce qui se discute car Sanofi nous occupe tout notre temps. Je pense que chacun essaye de faire au mieux avec la direction qu’il a en face de lui. On voit que malgré les plans sociaux et autres, des personnes s’investissent afin de montrer que la notion de profit n’est pas une fin en soi. Car aujourd’hui les anciens de Molex, repartis avec ce qui leur reste de l’entreprise, montrent qu’ils sont compétitifs. Mais les grandes entreprises se concentrent sur des marges de profit énormes, c’est condamnable. C’est pour ça que tous les syndicats se battent. On en a vu l’illustration avec Sanofi, car leur objectif à long terme est simplement une augmentation des marges et rien de plus. Alors que de nombreux petits patrons se battent pour l’emploi, au point de voir leur salaire en second plan, d’autres grandes boites en oublient leurs salariés pour se concentrer sur le profit.

 

Propos recueillis par François Nys