Alfred Nakache : de Toulouse à Auschwitz, itinéraire d’un nageur hors normes

2208

Il est difficile de résumer la vie d’Alfred Nakache en quelques lignes tellement celle-ci a été forte en rebondissements en tous genres. Né en Algérie de famille juive, à Constantine plus précisément, et dernier d’une fratrie de onze enfants, son statut évoluera entre le champion de natation et le survivant des horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Portrait.

 

C’est en Algérie française qu’Alfred Nakache prend sa première bouffée d’oxygène le 15 novembre 1915. Rapidement, il se passionne pour la natation pour finalement, à 18 ans, être repéré par des recruteurs français et déménager à Paris en 1933. Une grande carrière se profile devant lui. « Il avait l’amour de la natation » déclare Yvette Benayoun-Nakache, sa nièce. Un an plus tard, il termine second au 100 mètres nage libre des championnats de France et rejoint par la suite l’équipe nationale. Il obtient même une quatrième place aux Jeux Olympique de 1936 dans l’épreuve du 4 x 200 mètres nage libre. Contraint de quitter Paris en 1940 lors de l’abolition du Décret Crémieux par le Maréchal Pétain, il rejoint la zone et libre et s’installe à Toulouse. C’est à ce moment qu’il signe avec les Dauphins du TOEC, alors sous la direction d’Alban Minville. Il remporte cinq titres de champion de France en 1942.

 

Milieu de la Seconde Guerre Mondiale, sa vie bascule

C’est en novembre 1943, que le « juif » Alfred Nakache est arrêté par la Gestapo avec sa femme et leur fille Annie. Transférés, le 26 décembre à Drancy, ils seront déportés un mois plus tard à Auschwitz. « Sa femme et sa fille ont été gazées à leur arrivée au camp » explique Michel Coloma, actuel directeur sportif des Dauphins. « Il a tenté de garder le moral et s’entraînait dans le bassin de rétention d’eau anti-incendie ». Survivant à une marche de la mort qui l’envoie à Buchenwald, il réapparait en France en 1945. Il ne pèse alors plus que 40 kilos. « Tout le monde le croyait mort, c’est d’ailleurs pour ça que la piscine de l’île du Grand Ramier a pris son nom, en hommage ».

Dès son retour, il reprend l’entraînement et (re)devient professeur d’éducation physique. « Malgré ce qu’il avait vécu, sa joie de vivre était exceptionnelle. C’était difficile d’imaginer qu’il avait vécu les camps » se souvient Yvette, alors adolescente. « Même si parfois, il traversait des grands moments de solitude ». En 1946, il prend part au record du monde du 3 x 300 mètres 3 nages. Il terminera sa carrière sur l’île de la Réunion et s’éteindra en 1983, succombant à une crise cardiaque alors qu’il nageait dans le port de Cerbère dans les Pyrénées Orientale.

 

Rémi Beaufils