Après neuf ans de procédures infructueuses, la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) va enfin rendre des comptes. Renvoyé en correctionnelle l’an dernier, ce procès pour « discrimination » et « recel de discrimination » s’achève mercredi. En cause, des cotisations obligatoires versées au syndicat majoritaire par les producteurs, sans aucun accord ni même adhésion à l’organisme. Les agriculteurs de la Confédération Paysanne de Midi-Pyrénées, qui se portent partie civile, dénoncent un système occulte et antidémocratique.
Dès 2003, la Confédération Paysanne régionale avait alerté la justice sur des pratiques présumées douteuses. L’instruction, ouverte trois ans plus tard, est aujourd’hui sur le point de se clore. Pour les plaignants, auxquels la Coordination Rurale s’est également ralliée, les syndicats agricoles généralistes sont inégalement traités. En effet, les agriculteurs qui vendent leurs productions à des coopératives payent automatiquement des cotisations auprès de la FNSEA. Un rouage bien ancré dans la profession, du en grande partie au fait que la fédération susnommée a longtemps été la seule plateforme syndicale du monde paysan. Pour Christian Roqueirol, éleveur de brebis et secrétaire national de la Confédération Paysanne, ce système est dictatorial. « La FNSEA est seule bénéficiaire de ces prélèvements. C’est incompréhensible et même illégal » s’étrangle t-il. « Il en va de la liberté de chaque individu, qui doit pouvoir choisir son instance représentative. Personnellement, je ne supporterai pas de payer ne serait-ce qu’un euro à un syndicat qui ne défend pas les mêmes idées que les miennes ». Un dysfonctionnement pointé du doigt par le « Rapport Perruchot » établi en 2010. De par sa pertinence et sa légitimité juridique, ses conclusions devraient peser dans le procès en cours.
« J’ai payé des cotisations sans le savoir »
Selon l’enquête préalable diligentée par le juge d’instruction en charge du dossier, environ huit producteurs sur dix ignoreraient cotiser auprès de la Fédération. C’était le cas de Michel David, producteur bovin dans l’Aude, qui ne veut plus jouer les vaches à lait de service. « Pendant six ans, j’ai payé des cotisations sans même le savoir. Cela représentait une somme de un euro par vache. Dans mon département, il y en a près de 16 000. Le calcul est vite fait » explique le syndiqué, avant de poursuivre. « Cela touche toutes les branches. Par exemple, les coopératives viticoles dans l’Aude payent un centime d’euro par litre de vin. La FNSEA rend tout simplement les gens dépendants ». Outre les coûts, la colère des agriculteurs porte sur le principe d’une adhésion forcée. Alain Gagnerot, l’un des responsables du syndicat MODEF, explicitait le propos lors de son audition l’an dernier. « Dans le syndicalisme majoritaire, l’adhésion parait quasi-obligatoire. Il est de notoriété publique qu’en cas de refus, il est difficile d’agrandir son exploitation, d’obtenir des prêts voire des conseils juridiques ». Jusqu’à demain, la fédération devra répondre de ces multiples accusations. Au juge de séparer le bon grain de l’ivraie.
Christophe Guerra