Pascale Gardet: « on n’a toujours pas tiré les leçons de la catastrophe AZF »

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Vendredi, la plupart des associations de victimes et des personnalités politiques locales s’étaient donné rendez-vous sur le site de l’usine pour la onzième commémoration de la catastrophe. Environ cinq cent personnes étaient présentes. Elus et présidents de collectifs ont déposé leurs gerbes au pied du mémorial au cours d’une cérémonie sobre et solennelle. Pascale Gardet, elle, se recueillait seule à quelques centaines de mètres de là, au rond-point du 21 septembre. Intrigué, Toulouse Infos est allé à sa rencontre.

 

Toulouse Infos: Comment la catastrophe vous a t-elle touché?

Pascale Gardet: « Mes parents habitaient route de Seysses, à 400 mètres de l’usine. Suite à l’explosion, ils ont préféré déménager. Mon frère vivait également dans le même secteur. Il était atteint du sida et ce drame a aggravé son état de santé. Il est décédé en 2003.

 

T.I: Pourquoi commémorer l’anniversaire sur le rond-point du 21 septembre?

P.G: Tout simplement parce que tous les rassemblements s’étaient faits ici jusqu’à l’an dernier. Au début, nous étions entre nous et n’avions besoin de personne. Nous avions créé le « Grand collectif », qui regroupait l’ensemble des associations et des politiques de tous bords. Mais au fil des ans, il y a eu de moins en moins de monde. Cette année, c’était assez spectaculaire. J’ai croisé une personne qui appartient à l’association « Plus jamais ça », elle m’a confirmé que plusieurs d’entre eux avaient décidé au bout de dix ans de ne plus commémorer. Les autres font leur truc entre eux, là bas. Moi, je préfère rester assise sur mes marches.

 

T.I: Justement, vous pourriez vous aussi vous recueillir auprès du mémorial..

P.G: Je ne veux pas aller à l’usine. C’est toujours un site Seveso très dangereux avec une ballastière à trois cent mètres de là. La dépollution du sol n’a pris que deux ans, alors que cinq étaient prévus. Ils ont fait un square sur un site mal dépollué. Cette structure en cube a coûté une fortune et juste à côté se trouve dix buildings de bureaux vides. La mairie se fout une fois de plus de notre gueule! Tout ça n’est que de la récupération. Et puis symboliquement, il existe un clivage entre victimes et salariés. L’an dernier, les ouvriers étaient à l’usine et tous les gens du rond-point ont fait un cortège pour y aller. Nous aurions préféré que ce soient les ouvriers qui viennent vers nous.

 

T.I: Quel regard portez-vous sur la thèse officielle de l’accident?

P.G: Je crois à un incident électrique à la SNPE. Tout le monde savait qu’il y avait du phosgène là-bas. Ils étaient classés secret défense et avaient leurs propres pompiers qui ont eu le temps de faire le ménage avant l’arrivée des experts. Sous le hangar, il y a des ballastières depuis près de cinquante ans ainsi que des bombes sous le sol. AZF n’était que l’arbre qui cachait la forêt. Total est un lampiste, ça ne venait pas de là-bas.

 

T.I: Vous avez écrit un livre intitulé « Depuis ce matin là » qui traite de la catastrophe. Quelle en est la démarche?

P.G: Ecrire est pour moi un exutoire, un moyen de réfléchir sur le passé. Dans ce livre, j’ai repris des écrits qui datent du soir du 21 septembre et des jours qui ont suivi. C’est aussi une synthèse de toutes les rencontres, les soutiens et les entraides depuis dix ans. Pour moi, nous n’avons pas tiré les leçons de ce qui s’est passé. Depuis AZF, j’ai un kit de survie à la maison, parce que dans ces cas-là, je lutte et je veux survivre. J’explique aux gens comment s’en constituer un. Il faut se prémunir et ne pas en avoir honte ou peur. C’est quelque chose qui doit devenir naturel.»

Pour en savoir plus sur le livre de Pascale Gardet, une page facebook est disponible à l’adresse https://www.facebook.com/depuisce.matinla

 

Propos recueillis par Christophe Guerra