Harcèlement sexuel : « L’atteinte à la dignité humaine est moins punie que l’atteinte à un simple bien »

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Il y a deux mois le conseil constitutionnel abrogeait la loi sur le harcèlement sexuel. En conséquence, un vide juridique et des procès ou procédures annulés. C’est donc dans une certaine urgence que les membres du conseil ont dû retravailler le texte de loi, texte qui a été approuvé il y a deux semaines. Bilan sur cet épisode avec Camille Carton militante depuis deux ans dans l’association « Osez le Féminisme 31 ».

 

Toulouse Infos : « Quel est votre ressentit après l’acceptation de la nouvelle loi ?

Camille Carton : C’est un soulagement, un grand soulagement. Depuis que l’ancienne loi a été abrogée, les procédures juridiques en cours ont été annulées, on vivait dans l’attente et dans l’indignation du vide juridique. Des milliers de victimes, dans toute la France, étaient abandonnées.

 

TI : Ces procédures annulées pourront-elles être reprises ?

C.C : Non, elles ne pourront pas reprendre, il n’y a pas d’effet rétroactif. Celles qui souhaitent toujours porter plainte devront tout reprendre depuis le début. C’est du temps et de l’énergie à dépenser une fois de plus.

 

TI : La nouvelle loi est-elle satisfaisante ?

C.C : Il y a plusieurs points sur lesquels nous sommes très satisfaites. Tout d’abord, cela s’est fait rapidement afin de laisser le vide juridique en place le moins longtemps possible. Ensuite, l’ancienne loi avait été jugée anticonstitutionnelle car trop imprécise. Aujourd’hui elle a été approfondie et élargie pour couvrir un maximum de situations possibles.

Et puis il y a deux grandes nouveautés. La première étant au niveau du délit, maintenant il suffit de démontrer qu’il y a eu des gestes ou des propos indécents pour pouvoir porter plainte, avant il fallait prouver que l’auteur du harcèlement recherchait à obtenir une relation sexuelle. Ce qui, bien évidemment, était très dur à établir. Enfin, désormais une victime peut accuser un harceleur dès le premier acte, avant il fallait montrer le caractère répétitif du harcèlement.

 

TI : Y a t-il des regrets par rapport au travail du conseil constitutionnel ?

C.C : Malgré tout, la loi n’est pas parfaite. D’abord, elle s’est constituée dans l’urgence, alors que ce harcèlement était dénoncé depuis très longtemps par Osez le Féminisme. D’un côté c’est bien parce que les victimes ne sont plus seules désormais, mais on a peur d’une loi peut-être pas assez efficace avec des thèmes pas assez creusés comme celui de la transphobie. Ensuite on espérait quelque chose de plus important, de plus symbolique au niveau des peines. Aujourd’hui, celles-ci peuvent aller jusqu’à deux ans de prison et 30.000 euros d’amende, c’est moins que pour le vol d’un quelconque objet. Ça nous scandalise parce que l’on se rend compte que pour la justice, l’atteinte à la dignité humaine est moins importante et moins punie que l’atteinte à un simple bien. »

 

 

propos recueillis par Marie Leconte