Des plages de Corse au CRA de Toulouse

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Les 19 Kurdes débarqués en Corse ont été transférés à Toulouse-Cornebarrieu. Photo / CTDRAu tribunal de Grande Instance de Toulouse, le juge entendra aujourd’hui les 19 Kurdes débarqués en Corse puis transférés à Toulouse-Cornebarrieu pour décider, ou non de leur remise en liberté. Les associations défendent leurs droits, Toulouse Infos publie leur appel.

 

Le 22 janvier, sur une plage de Bonifacio, 124 réfugiés Kurdes vraisemblablement venus de Syrie ont été retrouvés sans trace de bateau, et conduits dans la journées dans 5 Centres de Rétention Administrative, à Marseille, Lyon, Rennes, Nîmes et Toulouse.

Soutenus par les associations pour défendre leur droit à demander l’asile, 94 d’entre eux ont pu retrouver leur liberté dimanche soir, grâce aux recours contre les arrêtés d’expulsion pris à leur encontre. Le Ministre de l’Immigration Eric Besson, a annoncé qu’ils dormiront « dans des lieux gérés par l’Etat en partenariat avec la Croix Rouge ».

Les juges de Nîmes, Marseille ou Rennes ont estimés que ces rétentions ne s’étaient pas faites dans la légalité, en l’absence de garde-à-vue, ou encore de l’absence de notifications de leurs droits en CRA.

Samedi soir, 19 Kurdes sont arrivés au CRA de Toulouse-Cornebarrieu, dont une femme enceinte qui a failli accoucher. Aujourd’hui, le juge de la liberté et de la détention doit décider de leur remise en liberté ou non, sachant que les associations défendent leur droit à demander l’asile sans qu’ils soient enfermés.

C’est en ces termes que L’ADDE, Amnesty International France, L’ANAFÉ, European Legal Network for Asylum (ELENA), Le GISTI, La LDH, Le SAF, Le SM s’expriment aujourd’hui :

« Les organisations soussignées dénoncent l’arrestation et les mesures d’expulsion (reconduite à la frontière) prises à l’encontre de la centaine d’exilés débarqués le 22 janvier à Bonifacio (Corse).

Dès leur prise en charge dans un gymnase de la ville réquisitionné, ils ont été détenus, sans pouvoir recevoir de visite, hormis les personnes introduites par la police pour une assistance humanitaire, jusqu’à leur transfert – certains d’entre eux menottes aux mains – par autocar le lendemain, 23 janvier, vers des avions qui les ont conduits dans des centres de rétention administrative (CRA) – éparpillés sur le continent, où ils étaient toujours privés de liberté. Les demandeurs d’asile ont droit au séjour provisoire le temps qu’il soit répondu à leur demande. La France est signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés, qui la lie, et interdit les mesures de renvoi dans leur pays d’origine qui ont pourtant été immédiatement prononcées.

Non seulement les intéressés ont été abusivement détenus sous le régime de la rétention administrative, mais les conditions de cette rétention, comme les conditions et la durée des transferts vers le continent, les ont mis dans l’incapacité d’exercer correctement les droits qui leurs sont en théorie concédés dans cette situation: notification des décisions dans une langue comprise, possibilité de rencontrer un avocat ou une association, d’exercer des recours..

Il apparaît dans cette affaire, et une fois de plus, que la précipitation de l’administration à décider d’éloigner des demandeurs d’asile avant d’enregistrer leur requête visait à les condamner à une procédure inéquitable, dite « prioritaire », ce qui constitue un véritable détournement de la loi. Comment, en effet, expliquer en toute clarté, avec toutes preuves utiles, les risques encourus dans son pays d’origine et les raisons de le fuir, en situation d’internement, dans un délai obligatoire de cinq jours, sans l’assistance d’interprètes… Cela relève de la science-fiction.

Ces illégalités sont d’autant plus graves qu’elles concernent aussi des enfants, pareillement détenus, et auxquels une protection et une attention spécifiques sont dues en application de la loi et des engagements internationaux de la France.

Le droit d’asile est un droit fondamental ; la France a choisi de le bafouer.

Les organisations signataires demandent par conséquent la mise en liberté immédiate des demandeurs d’asile transférés de Corse, et leur prise en charge dans le cadre de la procédure normale applicable, impliquant normalement leur hébergement et accompagnement dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

C’est d’ailleurs ce que viennent de décider les juges de Nîmes et de Rennes, en refusant de prolonger leur rétention, sanctionnant ainsi qu’il fallait s’y attendre l’action illégale de l’administration. »