Sans toit ni loi, ils réquisitionnent leur dignité

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Pour Hervé Brizay comme pour les autres, la découverte d’un appartement vacant de 240 m2 possédant électricité, gaz et eau courante est un véritable salut. Photo / CTDRPar un froid algide, le vent fouette les visages sur lesquels fondent des flocons si froids que l’on dirait qu’ils brûlent. Nous sommes le 8 janvier 2010 et, dans un groupe de sans-abris de Toulouse, quatre sont déjà morts de froid. Pour Hervé Brizay comme pour les autres, la découverte d’un appartement vacant de 240 m2 possédant électricité, gaz et eau courante est un véritable salut.


Le groupe s’y installe donc, profitant de la période clémente de la trêve hivernale. Au-delà de la dimension vitale d’un refuge chauffé, les SDF ont trouvé en ce logement providentiel ce à quoi ils aspirent depuis longtemps : un véritable chez-eux, qui leur apporte la stabilité réconfortante d’un foyer. Ils savent bien qu’ils enfreignent la loi en occupant la maison du 39, rue des sept troubadours mais insistent sur les bonnes relations entretenues avec le voisinage ainsi que sur leur sens des responsabilités. Un huissier a d’ailleurs constaté qu’aucun dommage n’avait été causé et que les habitants entretiennent rigoureusement la salubrité des locaux.

 

Le groupe ne s’organise pas selon une hiérarchie pyramidale, mais répond plus à la logique d’une dynamique collégiale. Ici, pas de chef donc, mais une égale répartition des tâches selon les aptitudes de chacun. La finalité de l’opération, ou du moins ce qu’espèrent Mr Brizay et ses compagnons, c’est la promotion d’une autre vision de la tolérance et de l’aide sociale en France. Ancien logisticien dans l’humanitaire, il réclame l’adaptation du concept de droit d’ingérence, toléré au niveau international, sur le plan social. « Dans les pays riches, on doit tolérer les écarts aux règles établies en cas de force majeure », clame Brizay.


Les ambitions du collectif SDF Sans Frontières (dont le nom est un clin d’œil à l’ONG instigatrice du droit d’ingérence) sont les suivantes : être reconnu juridiquement en tant qu’association, devenir un point de rencontre pour les sans-abris avec l’organisation de repas à thèmes et d’animations et promouvoir l’adoption d’une nouvelle conception de l’aide sociale.

Dans une ville qui se vante d’avoir ouvert 45 places pour 3000 sans-logis, la mission est loin d’être accomplie.

 

Margaux Benn