TGS 2013 : Rencontre avec le créateur de SaturdayMan, une webserie Made in Belgique

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Lancée en mars, SaturdayMan est une webserie qui reprend avec humour les codes des Sentaï (séries télévisées japonaises pour enfants) que l’on pouvait voir au Club Dorothée dans les années 80. Plein d’humour et d’autodérision, cette série made in Belgique sera présentée au Toulouse Game Show dans quelques jours. Rencontre avec Samuel Buisseret, créateur de la série.

 

Toulouse Infos : Parlez nous de SaturdayMan…

Samuel Buisseret : C’est une webserie qui utilise le prétexte Sentaï pour mettre en avant des personnages loufoques, avec un angle plus particulier sur leur vie quotidienne. Il y a donc plus de dialogue et peut être un peu moins d’action. Nous tentons de faire énormément de clins d’œil à la culture geek, et nous avons la présence de Marcus qui y incarne « Docteur Doyobi », le créateur de la SaturdayTeam, mais aussi des comédiens du doublage de talent comme Brigitte Lecordier et Éric Legrand, qui faisaient les voix de Dragon Ball à l’époque du Club Dorothée. Car, comme dans les anciens sentaï, nos personnages sont doublés, à l’exception de Marcus, afin de rajouter un effet comique. Pour le moment, nous sommes partis sur une saison de 10 épisodes, avec une fin ouverte pour se laisser la possibilité de continuer si le public en redemande.

T.I : Comment vous est venu l’idée de cette série ?

S.B : L’idée est venue suite à une joyeuse cuite avec des amis il y a une dizaine d’années. Après avoir écouté une cassette audio pleine de génériques des dessins animés, j’avais décidé de créer moi même une parodie de ces derniers. Ce qui était une blague au départ est ensuite devenu un court métrage, puis un pilote. Précisons que même si l’idée a 10 ans, elle est restée longtemps dans les cartons, et les choses ne se sont accélérées que durant ces trois dernières années pour en arriver à la charge de travail que nous devons assumer à l’heure actuelle.

T.I : Cela demande beaucoup de moyens de faire une webserie ?

S.B : Cela demande énormément de temps et de moyens. Pour ce qui est de SaturdayMan, nous avons eu le tord de nous lancer en mettant l’idée au cœur de tout, le résultat est que nous sommes partis sur le projet avec plein d’idées en tête et nous le payons cher en temps et en moyen. De plus, nous avons le doublage et les effets spéciaux qui rajoutent encore une couche à la post-prod. Après, c’est toujours moins cher qu’une série standard, mais ça reste extrêmement gourmand. Nous sommes, à l’heure actuelle, à la limite de nos capacités humaines et financières.

T.I : Vous avez, en plus, vécu un drame récemment…

S.B : Oui, Jonathan Tovato, qui interprétait le personnage de force Drunk et qui fabriquait une partie des décors, est mort en octobre d’un accident. Il était mon cousin et l’une des personnes de mon entourage sur qui je comptais le plus. Toute l’équipe est sous le choc, et nous sommes attristés de sa disparition. Après, nous devons faire en sorte de continuer la série, et nous avons assez d’image pour faire perdurer son personnage jusqu’au huitièmement épisode. Nous tenterons ensuite de trouver une pirouette scénaristique afin de le remplacer, mais nous n’avons rien fixé sur ce point à l’heure actuelle.

T.I : Vous étiez présent aux anciens Toulouse Game Show ainsi qu’au Monaco Anime Game Show, pourquoi revenir cette année ?

S.B : Il est vrai que nous sommes des habitués du TGS, c’est un salon très humain qui nous permet d’avoir un contact privilégié avec nos fans. De plus, l’organisation, comme le public, est très avenante et curieuse de découvrir notre travail. Nous remarquons que dans le sud les gens ont l’air plus curieux, nous avons plus de personnes qui viennent nous parler et échanger sur notre série dans ces salons, sans pour autant dire que les gens dans le nord sont renfermés, mais ce n’est pas la même ambiance. L’organisation du TGS traite avec grand soin ses invités, et avec le temps, ils sont devenus des amis et non une simple interface avec laquelle nous communiquons. Je pense aussi que c’est pour cela que nous avons la chance d’être huit à pouvoir venir pour ce salon et que nous sommes là avec plaisir.

Ensuite pour ce qui est des raisons, nous n’avons pas de prétexte précis à notre venue à Toulouse, c’est comme pour tous les salons, nous nous laissons porter par la vague. Nous venons pour y vendre quelques posters, mais surtout pour y rencontrer le public, y présenter des épisodes inédits (le 2 et le 3) et faire plus connaître SaturdayMan. À noter que nous allons bientôt faire une grande opération publicitaire afin de nous faire connaître, et si cela réussit, je pense que beaucoup plus de gens entendrons parler de la série. Mais je ne peux rien vous dire de plus sur le sujet.

T.I : Pour revenir aux webseries, nous observons qu’il y a une véritable explosion de ce phénomène en ce moment, qu’en pensez-vous ?

S.B : C’est génial, il y a énormément de bruit et de chaleur qui se dégage de ce mouvement. Le phénomène devient enfin revendicable, c’est devenu plus qu’une farce que l’on fait entre potes. À présent, même les plus grands annonceurs et des chaines comme Canal + suivent le phénomène de très près pour ne pas rater le train qui est en mouvement. Ceci dit, le souci est que de cette explosion provoque une certaine difficulté à trouver la perle rare. On se retrouve souvent à devoir regarder de nombreuses séries avant de trouver la pépite, nous essayons d’être cette pépite, même si on peut comprendre que SaturdayMan peu déplaire.

Je pense que cette explosion vient en réaction à la télévision et son contenu de plus en plus pauvre, et c’est pour cela que ce nouveau média est apparu. Personnellement, j’attends de voir les premiers tutoriaux de la webserie, car moi même je n’étais pas réalisateur avant de me lancer dans le projet. Le plus fort sera quand cette génération aura 30-40 ans, car là il va se passer des choses intéressantes.

T.I : Et pour ce qui est du modèle économique ?

S.B : Il y a un modèle économique qui se dégage, et c’est pour cela je pense qu’il y a aussi une explosion du mouvement. Certaines personnes sont capables de proposer un contenu gratuit sans avoir à vendre des produits dérivés ou attendre des rémunérations de la part de YouTube, c’est une histoire de palier. On commence avec le soutien des proches et des amis, puis ensuite les produits dérivés, la publicité YouTube, mais il y a un cap au-dessus. En effet, ce sont les marques qui s’intéressent à vous. Elles proposent du placement de produit ou de tourner des minis-spot pour elles. On peut prendre en exemple Cyprien pour la banque CIC. A ce stade, les annonceurs payent très bien et permettent aux personnes de gagner de quoi vivre et à la marque d’avoir de la publicité à moindre frais. Après, ce système d’échelon est impitoyable, et il est évident qu’il y a beaucoup de postulants pour très peu d’élus.

T.I : Un conseil pour ceux qui sont dans cette mouvance ou qui désirent s’y lancer ?

S.B : Une webserie doit avant tout dépendre du temps et de l’énergie que l’on peut y investir. Il vaut mieux regarder les moyens dont on dispose et ensuite réfléchir à quoi proposer plutôt que l’inverse, c’est le meilleur moyen de faire un contenu de qualité et qui vous correspond.

 

Propos recueillis par François Nys