Ce mercredi 20 novembre, le musée des Augustins a préempté une toile de Nicolas Tournier en salle des ventes (Hôtel Drouot, Paris), pour un montant de 330 000 € au marteau.
C’est une acquisition exceptionnelle qui vient idéalement compléter les collections du musée des Augustins, le musée de référence pour ce peintre caravagesque.
Nicolas Tournier, le peintre du Languedoc le plus important dans la première moitié du XVIIe siècle Redécouvert grâce à l’exposition marquante « Les Peintres de la réalité » (musée de l’Orangerie, 1934), Nicolas Tournier est le peintre du Languedoc le plus important dans la première moitié du XVIIe siècle.
Né à Montbéliard, il se forme à Rome de 1617 à 1626 au contact des élèves de Caravage dont il adopte le réalisme. Proche de Simon Vouet, il s’inspire de Bartolomeo Manfredi et Nicolas Régnier pour ses scènes de banquets et de concerts, mais aussi des œuvres de jeunesse du Caravage : il est en cela le plus étonnant des caravagesques français. De retour en France en 1626, il reçoit des commandes pour les églises de Narbonne et Carcassonne. C’est à Toulouse, où il s’installe ensuite jusqu’à sa mort en 1639, qu’il
réalise ses grands chefs-d’œuvre.
Le musée des Augustins, lieu de référence pour l’œuvre de Tournier
Le musée des Augustins conserve un ensemble très significatif d’œuvres de Nicolas Tournier et a très largement contribué à la redécouverte et à la valorisation de l’artiste en organisant en 2001 la première exposition monographique qui lui a été dédiée, ainsi qu’un colloque. Le catalogue rédigé sous la direction d’Axel Hémery, alors conservateur au musée et commissaire de l’exposition, est un jalon très important dans la connaissance du peintre et de son œuvre.
Le corpus toulousain compte en particulier des toiles de grand voire de très grand format à sujet religieux : Le Christ porté au tombeau, Le Christ descendu de la Croix, Le Portement de Croix, La Bataille de Constantin contre Maxence. Le musée conserve également trois beaux portraits religieux à mi-corps, intenses et émouvants, une Vierge à l’Enfant, un Saint Paul et un Saint Pierre, ainsi que deux portraits plus singuliers sur un plan iconographique mais d’un style bien reconnaissable, Un
Soldat et Midas.
Ce Joueur de luth vient ainsi très idéalement compléter un corpus qui, aussi important fut-il, était encore incomplet ; il manquait à cet ensemble de grands sujets profanes, en particulier un de ces portraits de musiciens alors en vogue, sujets de prédilection des caravagesques : voilà qui est désormais réparé.
Une œuvre inédite
Ce portrait de musicien était documenté mais n’était plus localisé depuis plusieurs décennies : il est un magnifique ajout au corpus de Nicolas Tournier. Ici, le personnage s’inscrit dans la tradition des nombreux musiciens du caravagisme, il peut être rapproché du joueur de luth situé à droite du Concert conservé au musée du Louvre, ou encore du Joueur de luth de Valentin de Boulogne, conservé au Metropolitain Museum
de New York. Notre personnage est peint de façon plus frontale, sous une lumière plus crue, comme saisi sur le vif dans une expression énigmatique : il a la boucle entrouverte, le regard surpris, la pose figée et les mains tendues.
Les détails sont d’un raffinement extrême. La tentation est de rapprocher ce musicien des
deux Paysannes portant des fruits, acquises par la Fondation Bemberg de Toulouse en 2015, peintes sur une toile de même format et à la même période : toutes ces œuvres sont datées du début de la période toulousaine de l’artiste vers 1628-1630.
La rédaction