Jean-Luc Moudenc is watching you !

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Caméra de vidéosurveillance. Photo / CTI

Ça y est, Jean-Luc Moudenc avance avec ses gros sabots sur la vidéosurveillance. Le quartier choisi est symbolique : Arnaud Bernard. Celui que cette majorité comme la précédente a toujours espéré nettoyer… notamment de ses classes populaires et de son animation.

 

La vidéosurveillance fleurit dans plusieurs grandes villes de l’Hexagone et d’Europe. Elle est souvent présentée comme un outil magique. Pourquoi magique ? Simple : elle est censée résoudre une palette très variée de problèmes, le tout reposant surtout sur une batterie d’idées reçues ou de « bon sens » dont aimerait bien voir le début d’une preuve. À écouter ses partisans, la vidéosurveillance permet de faire de la dissuasion, des interventions policières sur le terrain et sert aussi d’outil postérieur pour des enquêtes. Un peu plus et la caméra descendra avec ses petits bras pour empêcher les agressions.

 

les personnes noires ou métisses sont 2 à 3 fois plus regardées

 

Seulement voilà, dans tout ce beau conte qu’on aimerait nous vendre il y a un hic. Aucune étude ne confirme l’efficacité de cet outil, quel que soit l’angle étudié.

• Est-ce que la vidéosurveillance permet des interventions en direct de la police ? Dans la ville qui a fait des caméras sa spécialité, Nice, le dispositif avait été pensé dans ce but. Face au manque de résultat, la ville s’est finalement uniquement reposée sur l’utilisation des enregistrements pour les enquêtes. Par ailleurs, les agents scrutant les écrans se montrent d’une redoutable inefficacité. Mal formés, l’ennui de regarder la vie quotidienne tranquille prend vite le dessus, les personnes noires ou métisses sont 2 à 3 fois plus regardées que les autres et le voyeurisme devient fini par occuper près de 20 % du temps. Ajoutez à cela plusieurs caméras par écran, et plusieurs écrans par agent, il n’y a pas besoin de faire de grandes écoles pour comprendre où est le problème.

• Est-ce que la vidéosurveillance est efficace pour les enquêtes ? Dans la même ville de Nice, les caméras servent en moyenne moins d’une fois par an et par caméra pour des enquêtes. C’est à dire 7 fois moins que la présence humaine.

• Est-ce que la vidéosurveillance est dissuasive ? À Lyon, ville « socialiste » (lol), les études comparées de la délinquance dans les quartiers, souffrant de la même délinquance, équipés et non-équipés en vidéosurveillance, montrent une baisse générale constante indépendante des caméras.

 

un outil électoraliste

 

En résumé, la seule chose que la vidéosurveillance fait avec efficacité, c’est vider les caisses des collectivités. D’ailleurs, Boulogne-Billancourt, une des premières villes équipées en France, a fini par ne plus entretenir ou réparer les caméras installées, vu le coût quotidien relatif aux résultats. Des caméras qui ne marchent pas, ça c’est une idée de génie !

Enfin, éventuellement, c’est un outil électoraliste qui peut être efficace à l’heure où l’on adore faire peur à tout le monde. Alors si les problèmes de délinquance sont légitimes, quel que soit le quartier à Toulouse, ce n’est certainement pas de cette manière qu’il faut les résoudre.

Il faudrait peut-être se demander si les 43 % de chômage chez les jeunes non-diplômés n’a pas un lien avec la délinquance juvénile. Je suis dur, peut-être qu’en voyant les caméras ça leur fera tilt et qu’ils reprendront leurs études pour faire avocat ou médecin… Non ?

 

Romain Jammes