Plus de bagnoles pour davantage défigurer la ville ?

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Toujours plus de voitures en ville. Photo / Crédit Romain Jammes

Bon, rien n’était moins sûr, mais entre deux averses qui ont parsemé tout le long de notre été, le beau temps a pointé son nez. J’ai souvent sauté sur l’occasion pour me baigner de soleil, à défaut de pouvoir le faire dans la Garonne trop polluée, amenant un des bouquins, de la pile de « ceux à lire » qui s’accumulent dans les années trop chargées. Je suis donc tombé sur « L’idéologie de la bagnole ». Un texte d’André Gorz, pas si jeune (1975) mais qui éclaire sur la manière dont on conçoit cet outil souvent quotidien pour des millions d’entre nous.

 

La bagnole a toutes les caractéristiques d’un objet de luxe. Il n’est intéressant que s’il est un privilège. C’est fait pour aller plus vite, mais ça marche quand on est peu à en profiter. Seulement voilà, il faut bien faire des profits, et donc produire, et donc convaincre nos citoyens du besoin de ce mode de déplacement et le généraliser à toutes et tous. Au début, c’était sous l’argument du luxe de la bourgeoisie enfin accessible aux familles ouvrières, puis simplement d’une marque de réussite dans le triptyque « maison, chien, voiture » et les crédits qui vont avec.

La bagnole, c’est fait pour aller plus vite, pour raccourcir les distances d’une certaine manière. Oui, sauf que depuis que nous en disposons en masse, nous nous déplaçons, en ville, plus lentement, et nous n’avons jamais habité aussi loin des lieux que nous fréquentons au quotidien. Le temps total consacré à nos engins (conduite, entretient, travail pour l’acheter,…), comparé à nos déplacements donne une moyenne de 6km/h. La même vitesse qu’à pied en somme, et moins vite que les nombreux modes de transports qui l’ont précédé (tram, vélo, carrioles,…)

La nécessité de massifier la voiture a défiguré nos villes. Elle prend une place incroyable, dans les rues, le long des trottoirs, une vraie confiscation de l’espace public. Elle éclate les espaces avec les zones résidentielles sans vies et des zones de consommation glauques à souhait venant ravager des hectares de terres naturelles ou agricoles comme pour Val Tolosa. Elle a délocalisé notre économie, rendu nos villes dangereuses pour circuler, puantes, bruyantes… et moches.

Evidemment la prise de conscience est progressive. On revient au tram, on donne plus de place aux transports en commun, aux cyclistes, aux piétons. Des progrès toujours trop lents au vu des très nombreux accidents sur Toulouse et de l’état de nos boulevards de cinq à sept. Et surtout, la préparation d’un retour en arrière à l’image de ce que M. Moudenc nous prépare : plus de routes, plus d’éclatement des espaces, et donc, comme ça a toujours été dans ces cas-là : plus de bagnoles pour davantage défigurer la ville rose et nuire à la santé de ses habitants et son écosystème… À qui profite le crime ?

Romain Jammes