Handicap : « La loi qui handicape tout le monde » ?

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Capture d’un article d’un Point. Photo / Crédit Le Point

Il s’agit d’un bel exemple de désinformation (cliquer sur la photo pour le lire),  avec le journal Le Point qui consacre un dossier au millefeuille administratif français dont voici ci-dessus un extrait. Et voici le commentaire que j’en faisais sur Facebook.

 

Malheureusement, il est plus que dommageable qu’un grand hebdomadaire français pratique à cette occasion la désinformation. On sent bien que les lobbies qui se sont attaqués à la loi de 2005 et qui ont une vision à court terme la société ont fait leur œuvre ! Et il est dommageable qu’un tel hebdomadaire répète à l’envi des informations erronées !

Pour ceux qui maîtrisent un tant soit peu la réglementation en matière d’accessibilité, il est bien connu que les règles qui s’appliquent ne sont pas les mêmes pour l’existant que pour le neuf. Si on exige une accessibilité totale sur le neuf, sur l’ancien les dérogations sont nombreuses !

Quand on sait que 40 % de la population est à mobilité réduite (personnes âgées en perte d’autonomie, personnes en situation de handicap, femmes enceintes, parents avec de jeunes enfants et des poussettes, personnes chargées de bagages, …) , on peut s’interroger sur le titre de cet article, à moins de considérer que les personnes en situation de handicap et les personnes à mobilité réduite ne sont pas tout le monde, c’est-à-dire des citoyens ordinaires, qui devraient pouvoir bénéficier de la liberté fondamentale d’aller et venir librement, prévue par la constitution.

 

Doit-on continuer à être la lanterne rouge de l’Europe ?

Il faut quand même savoir que dans les cités médiévales, il y a de nombreuses possibilités de dérogations permettant la conservation du patrimoine historique. Quant à rendre accessible l’entrée principale d’une église, n’est-ce pas rendre service aux personnes âgées, aux familles avec de jeunes enfants, aux personnes en situation de handicap et à tous, que de leur permettre de pénétrer dans ces lieux par la même entrée ? Combien de fois les membres de nos associations se sont retrouvés en difficulté à l’occasion d’obsèques, de mariages, de baptêmes, empêchés de participer, par quelques marches mal placées ? Alors que des communes ont su démontrer qu’il était possible de rendre ce type d’édifices accessibles à tous.

Sur les salles de bains pour handicapés dans des centres pour délinquants multirécidivistes, suppose-t-on qu’une personne handicapée ne peut pas être aussi délinquante ? C’est avec des idées comme celle-ci que les droits de l’homme ne sont pas respectés dans les prisons, avec la double peine de l’inaccessibilité. Ou alors décidons-nous que le fait d’être en situation de handicap doit permettre d’échapper à la loi et qu’on ne doit pas emprisonner de personnes handicapées ? Ce n’est en tout pas conforme à la réalité.

Quant aux vestiaires, oui, il existe des arbitres ou des entraineurs en situation de handicap, et ils ont aussi le droit d’utiliser des vestiaires ! Et s’il existe encore si peu d’arbitres en situation de handicap, c’est justement parce que l’environnement dans lequel ils sont amenés à évoluer n’est pas adapté.

Doit-on continuer à être la lanterne rouge de l’Europe en matière d’accessibilité, ou la France, qui se réclame patrie des droits de l’homme, continuera-t-elle à considérer qu’une partie de sa population ne relève pas de ses dits droits de l’homme ? Quant aux chambres d’étudiants, n’a-t-on pas le droit de faire des études quand on est en situation de handicap ?

Le problème, c’est que ce sont souvent les mêmes qui critiquent ces normes, qui trouvent que le coût social du handicap est bien lourd. Les mêmes qui nous refusent le droit d’aller à l’école, à l’université, puis d’avoir un travail, qui trouvent que nous coûtons cher !

De plus, avec le vieillissement de la population, il nous faut vraiment anticiper ! Ou voulons-nous aussi que tous nos « vieux » finissent dans des EPHAD qui coûtent les yeux de la tête ? Pour le plus grand bénéfice de certains groupes financiers, mais pas pour les personnes concernées et leurs familles qui en supportent le coût. Ni pour les personnes concernées qu’on couche au mieux à 6 ou 7 heures du soir sans respect de leur volonté. Tout ça parce que « Mamie » habite un appartement en étage non desservi par ascenseur, et qu’elle aurait besoin d’aide humaine que les pouvoirs publics ne sont pas prêts à financer à hauteur des vrais besoins. Alors qu’on a une vraie mine d’emplois non délocalisables dans ce pays…

Toujours dans une vision à court terme de la société, comme si la vieillesse ne concernait personne, et comme si le handicap ne pouvait pas arriver à tout un chacun !

 

Odile Maurin