Jusqu’où peut-on critiquer la gauche et les écologistes, quand on est de gauche et écologiste ?

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« Arrêtes de critiquer la gauche »; « on doit voter pour qui du coup ? »; « pour être utile agis plutôt que de critiquer »; « la critique c’est bien beau, et maintenant ? », «  avec la droite c’était pire », etc. Voici quelques-unes des réactions que j’ai reçu suite aux diverses chroniques publiées depuis plusieurs mois. Jusqu’où peut-on aller dans la critique de la gauche et des écologistes, quand on est soi-même de gauche et écologiste ?

 

Tout d’abord il n’est pas inutile de rappeler un questionnement fréquent dans la population et dans les médias : le PS est-il un parti de gauche ? EELV est-il un parti écologiste ? La récurrence de ces questions ne peut que témoigner de la grande diversité quant aux diverses définitions que l’on peut donner à « être de gauche », et « être écologiste ». Mes critiques viennent donc en bonne partie de la distance entre nos visions respectives de ces deux notions, gauche et écologiste. Nous pouvons également écarter l’argument des « avancées », « qu’il y a quand même des choses qui ont été faites ». En effet, on n’élit pas quelqu’un pour faire la moitié du travail. Encore heureux que quelque chose a été fait pendant le mandat, le conseil municipal n’est pas une cure de thalasso !

Notre système qui se revendique démocratique peut s’apparenter à une confiscation consentie du pouvoir. La plus grosse minorité (qui arrive en tête de l’élection, mais qui ne sera jamais majoritaire en valeur absolue) confie le pouvoir à une petite équipe pour un temps donné, sans avoir aucune forme de contrôle sur l’action menée ensuite. Il est ensuite possible de changer d’équipe à la fin du mandat, mais sans avoir plus de poids pour influencer sa politique. La gouvernance, terme tant apprécié des communicants, n’a pour l’instant de réelles applications que dans des domaines marginaux. En conséquence, le citoyen se voit privé de toute capacité à influer sur le sort des collectivités, à moins que…

Un autre terme à la mode est le contrat. Tout aujourd’hui est affaire de contrat, qui doit être respecté sous peine de poursuites et de pénalités. D’une certaine manière une élection peut être envisagée comme un contrat moral, entre le vainqueur et ses électeurs. Le candidat s’engage à respecter ses promesses s’il est élu. Les tribunaux n’étant pas compétents en cas de promesse non-tenue, c’est au citoyen de faire pression sur l’élu. Il est tout à fait légitime de rappeler les promesses, et de dénoncer le fait qu’elles n’aient pas été tenues. Doit-on accorder l’impunité à quelqu’un qui ment effrontément ? Doit-on ménager quelqu’un qui promet tout et n’importe quoi, puis n’en fait pas la moitié, et jette ainsi le discrédit sur la politique en général ? Doit-on laisser les menteurs en paix ? Ne pas punir une dérive revient à la cautionner. Cette situation est un terreau fertile pour les extrémistes, et les populistes de tout poil qui excellent dans les promesses insensées. Bien sûr, le moment venu on nous rappellera qu’il faut faire la différence entre les mensonges des gentils et les mensonges des méchants, et qu’il faut continuer à donner sa confiance aux menteurs habituels.

En conséquence, on ne peut critiquer un politicien ou un parti politique que dans le cadre de ses propres propositions. Les Verts sont les plus grands donneurs de leçon du paysage politique, mais au quotidien connaissent des dérives très graves. Devrais-je accepter ce « faites ce qu’on dit, pas ce qu’on fait » venant d’un parti qui ne cesse par ses pratiques de jeter le discrédit sur l’écologie ? L’exemple récent du secrétaire national d’EELV éjecté pour avoir demandé que le gouvernement mène une politique plus écologiste est révélateur. De même, devrais-je rester coi devant un PS aux dérives dignes d’une république bananière, qui se moque constamment des électeurs en ne tenant pas ses promesses ? Les socialistes vont même jusqu’à nier ces mensonges de façon irréaliste. Cela peut payer à court terme de s’opposer avec des mensonges aux propositions de la droite considérées comme mauvaises. Mais la sanction des électeurs floués sera sévère, comme le démontre l’hécatombe des socialistes espagnols et grecs. Enfin, cela discrédite l’alternance, et renforce le désarroi de la population. Au final le principal bénéficiaire des mensonges du PS est le FN, qui n’est jamais aussi fort que lorsque les socialistes gouvernent.

Un rappel historique peut être utile pour conclure. Aujourd’hui, Jaures est dans toutes les bouches roses, mais lorsque ce partisan de la paix était assassiné, ses collègues socialistes votaient massivement pour la guerre. De même entre l’intègre Mendès France et l’intrigant Mitterand, les socialistes ont choisi le deuxième. Des paroles aux actes, il y a un gouffre. En conséquence, je ne tire pas contre mon camp lorsque je dénonce les mensonges et les magouilles, tout simplement parce que je ne me reconnais pas dans le camp des menteurs et des magouilleurs. Quels que soient leur nom où l’idéologie dont ils se revendiquent.

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog http://julienfaessel.wordpress.com/.