Odile Maurin : « Etre handicapé à Toulouse, le parcours du combattant »

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Classée 32ème ville par le Baro Access handicap du 7 février 2011, Toulouse devient trop souvent un enfer pour les handicapés. Odile Maurin, présidente d’Handi-Social et toulousaine signe une tribune sur notre site pour pousser un coup de gueule contre des politiques pas assez volontaristes.

 

L’accessibilité, ce n’est pas seulement pour les personnes en fauteuil roulant, c’est aussi pour les personnes malvoyantes ou aveugles, malentendantes ou sourdes, pour le handicap mental ou psychique. Ca concerne aussi toutes les personnes à mobilité réduite (femmes enceintes, parents avec poussettes, personnes âgées, blessés temporaires, personnes avec bagages, …) donc plus du quart de la population et ça facilite la vie de tout le monde !

A Toulouse, l’ancienne municipalité n’a pas eu de politique volontariste pour appliquer la loi de 2005 et les retards pris pour les diagnostics à réaliser (en 2008) n’ont pas été rattrapé par l’actuelle municipalité. Résultat Toulouse et son agglo restent trop largement inaccessibles !

Certes, une ville comme Nantes, 1ere du classement du baromètre APF l’Express est une ville qui a été rasée et reconstruite après guerre alors que Toulouse est une ville ancienne, avec beaucoup de monuments historiques et des rues étroites, donc plus difficile. Commerces, transports, cabinets médicaux sont encore majoritairement inaccessibles. Plus les incivilités : voitures, poubelles encombrants les passages, travaux, etc…

Mais je constate une volonté, et surtout des budgets, encore très insuffisants pour permettre aux personnes d’aller partout alors que l’inaccessibilité est une discrimination. Ce n’est visiblement pas une priorité ! Alors que la France est particulièrement en retard par rapport aux autres pays européens.

Quelques bons points malgré tout : l’adhésion récente de Toulouse au réseau d’excellence des villes pour tous (fondation Design for all), et la mise en place du Cahier de recommandations pour le bâti communal, qui va s’imposer aux architectes et maîtres d’ouvrage.

Mais les personnes handicapées restent encore de fait des citoyens de seconde zone !

Je vais vous raconter ma dernière sortie, qui illustre bien la réalité à laquelle nous sommes soumis :

Alors que je m’étais mélangée dans mes réservations Mobibus (service de transport adapté en porte à porte pour les personnes handicapées, très contraignant et soumis à rentabilité par Veolia), j’ai voulu tenter d’aller au Conseil Général par mes propres moyens, en profitant qu’il ne pleuve pas.

Je n’ai pas pu prendre le bus car dans mon quartier, il circule parfois un bus accessible, mais sans qu’il soit possible de savoir à quelle heure il passe ni si c’est un bus sur 4, voire plus, donc inutilisable à moins de pouvoir passer une partie de sa journée à attendre !

Après m’être fait mal en fermant ma porte (mouvement douloureux et manque de force), je suis partie de mon immeuble à la Cépière pour rejoindre le métro à la station Mirail université.

Pour cela, il a fallu que je roule sur la chaussée à contre sens d’un sens unique, faute de trottoirs utilisables car pas de bateaux pour monter et descendre du trottoir.

Puis j’ai encore du faire un détour car l’entrée piétonne de la fac du Mirail est entravée par une barrière anti moto qui empêche surtout les fauteuils roulants de passer…

Dans le métro, des ascenseurs étroits, nécessitant des manœuvres délicates, pour entrer et sortir, et encore plus quand ils sont trop souvent utilisés par des personnes valides. Heureusement que je ne suis pas timide et que je rappelle la priorité d’utilisation pour les personnes à mobilité réduite. Mais que de temps perdu à chaque fois ! Il faut prendre l’ascenseur pour rejoindre la station, puis un autre pour rejoindre le quai et à Jaurès, rebelote, plusieurs ascenseurs à prendre, et j’arrive enfin à la station Canal du Midi croyant être enfin au bout de mes peines.

Mais là, catastrophe : l’ascenseur est en panne ! (c’est fréquent et c’est aussi pour ça que je prends très rarement le métro). J’appelle la sécurité qui me dit qu’elle envoie un dépanneur. Après 10 mn d’attente toujours rien et la sécurité me conseille alors d’aller à la station suivante pour changer de quai et revenir à Canal du midi pour utiliser l’ascenseur de l’autre quai pour ressortir. Et me voilà donc repartie, et après avoir repris 3 ascenseurs et fait un aller retour entre Minimes et Canal du midi j’ai enfin pu ressortir du métro !

Résultat 1h15 de trajet, et 30 mn de retard alors que j’étais attendue pour siéger en commission au Conseil Général !

Quant à Mobibus, pour mon dernier trajet entre St Alban et la maison des associations où j’avais réservé avec un impératif d’arrivée à 17h à cause d’une importante réunion, je ne suis arrivée qu’à 17h30 car on m’a imposé un groupage pour passer prendre une autre personne sans que je sois prévenue.

Comment avoir un emploi dans ces conditions ???!!!

Et pourtant nos politiques ont déjà prévu de ne pas respecter la loi : tous les bâtiments recevant du public ne seront pas accessibles en 2015 et Tisseo prévoit de ne rendre accessibles que 75% des arrêts de bus ! Dans le même temps, on supprime l’AAH à de plus en plus de personnes handicapées en leur disant d’aller travailler alors que le taux de chômage des personnes handicapées est de plus de 20% ! Cherchez l’erreur !

 

Tribune d’Odile Maurin présidente d’Handi-Social

 

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