Procès AZF : Un verdict « politique » qui déçoit certaines associations

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Hier en début d’après-midi, le verdict attendu par toute une ville est enfin tombé. L’origine de l’explosion a été validée par la Cour d’Appel. Le directeur de l’usine Serge Biechlin a écopé d’une peine de trois ans de prison, dont deux avec sursis. Total et son ex-PDG Thierry Desmarest ressortent blanchis. Au terme d’une procédure interminable, Toulouse a enfin désigné les coupables.

 

« C’est la victoire de la vérité » a déclaré Pierre Cohen, le maire de Toulouse. Si l’ensemble des personnalités politiques locales a regretté la relaxe de Total, les sourires étaient bien là. « Ce verdict établit enfin les causes de cette catastrophe et désigne des responsables. Les victimes, leurs familles et les toulousains vont pouvoir commencer leur deuil » s’est félicité l’élu socialiste. Jean-Luc Moudenc, son prédécesseur, s’est « réjoui que des responsabilités pénales aient été reconnues ». Le groupe Europe-Ecologie Les Verts, considère que la « justice faite ». Sans surprise, le président du Conseil Régional Martin Malvy a rejoint la ligne. « Il fallait que la justice passe, que les familles des victimes puissent s’appuyer sur un jugement clair. C’est désormais chose faite ». Clair, vraiment ? En première instance, la Cour avait relaxé la direction de l’usine faute de preuves. Cette fois-ci, c’est avec une certitude déconcertante qu’elle a conclu à des négligences dans la sécurité. Une thèse qui n’a pas bougé d’un iota depuis onze ans. Officiellement, un accident chimique a provoqué l’explosion de l’usine AZF. Point. C’est un dossier épais comme le bras qui se referme d’un coup de marteau. Comme si, au fond, les souffrances avaient bien trop duré.

 

Des victimes toujours aussi divisées

« Nous sommes très satisfaits car nous avons enfin été compris » a clamé Stella Bisseuil, avocate de l’association des Familles Endeuillées. « Le moment a été intense. Notre combat et notre conviction ont été suivis par la Cour d’Appel. C’est un grand soulagement pour les victimes et une belle victoire pour toute la ville de Toulouse ». Mais chez les autres, on s’arrache plutôt les cheveux. Pour le président de Mémoire et Solidarité Jacques Mignard, ce délibéré laisse un goût terriblement amer. « Nous sommes très déçus. D’une part parce que l’enquête ne sera pas réouverte. D’autre part parce que des sanctions ont été prononcées à l’encontre de la société, sur la base d’une thèse officielle qui reste de la pure fiction ». La condamnation de Serge Biechlin frise selon lui le scandale juridique. « Une seule minute de prison aurait été excessive, puisque l’accusation ne repose que sur une présomption de culpabilité ». Pour Jacques Mignard, qui s’est évertué une décennie durant à requérir des compléments d’information, ce délibéré est finalement logique. « Il est lié à des positions d’élus. On a clairement fait comprendre à la justice qu’il fallait en finir. Beaucoup voulaient voir des têtes tomber, ce jugement a exaucé leurs vœux. Nous ne nous faisons plus trop d’illusions, mais nous continuerons à chercher la vérité et à faire entendre notre désapprobation ».

 

Christophe Guerra