Débâcle du PS aux européennes : Pour Christophe Borgel, « c’est tout d’abord une défaite de l’Europe »

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Ce dimanche, le Parti Socialiste a fait le plus mauvais score aux élections européennes de son histoire et n’a pu que constater la vague bleue marine qui a déferlée dans le pays mais aussi en Midi-Pyrénées. Christophe Borgel, député de de Haute-Garonne et secrétaire national chargé des élections du Parti Socialiste, revient sur cet échec électoral et sur l’avenir du PS.

 

Toulouse Infos : Avant de parler de l’Europe, il y avait ce dimanche une législative partielle sur la 3ème circonscription de Haute-Garonne. Un scrutin qui a vu Laurence Arribagé (UMP-UDI) arriver largement en tête du premier tour (44,14%) face à Laurent Méric, le candidat PS, qui arrive en seconde position (24,16%). Comment analysez-vous ce résultat ?

Christophe Borgel : C’est une circonscription difficile pour la gauche. Il faut rappeler que la droite l’avait emportée en 2012 alors même que la gauche venait de gagner l’élection présidentielle. Je trouve qu’avoir réalisé ce score sur le même territoire où le parti socialiste n’a pas passé les 20% lors du scrutin à l’élection européenne, c’est plutôt un bon résultat. On sait que cette élection partielle était particulièrement compliquée parce que dans la partie toulousaine, la droite surfe sur la victoire de Jean-Luc Moudenc aux municipales. Mettre en ballotage Laurence Arribagé dans ces conditions est un bon résultat.

TI : Pour revenir sur les élections européennes, comment expliquez-vous cette débâcle du Parti Socialiste ?

CB : D’abord, dans ce scrutin, il faut noter que 6 Français sur 10 ne se sont pas rendus aux urnes. Ce chiffre s’additionne à celui d’1 Français sur 10 qui a voté pour la liste extrême droite pour rejeter l’Europe tel qu’elle se construit depuis plus de 10 ans de politique de droite à la tête de l’Union Européenne. Mais au-delà de ce rejet, il y a une défiance généralisée à l’égard des politiques, tous partis confondus. Selon moi, les électeurs ne croient plus dans la politique pour répondre aux problèmes concrets de notre vie quotidienne : emploi, pouvoir d’achat, logement. Il faut une Europe qui favorise la croissance et l’emploi plutôt que de n’avoir qu’un seul instrument qui est l’austérité. Si on ne le fait pas, elle s’éloignera petit à petit, encore plus, toujours plus des peuples européens et nous auront dans les pays qui ont résisté à la vague d’extrême droite la même désillusion qu’en France.

TI : Le PS a atteint son niveau historique le plus bas pour des élections européennes. Comment reconquérir la confiance des Français ?

CB : Au lendemain des élections municipales, les électeurs nous ont demandé plus de crédibilité, plus d’efficacité donc plus de résultats, et plus de justice. En nommant Manuel Valls et en changeant de gouvernement, François Hollande a montré que le message a été entendu. Tout le monde reconnait que c’est plus solide. Tout le monde a vu qu’il y a eu la veille des élections européennes, dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative, une première mesure qui est une baisse des impôts pour 3 millions de Français et une sortie de l’impôt sur le revenu pour 1,8 millions de personnes parmi les plus modestes. Il faut poursuivre dans cette voix en faveur du pouvoir d’achat et il faut se battre avec détermination pour aider les résultats en matière de croissance et d’emploi. C’est là-dessus que nous attendent les Français. Enfin, pour ce qui est du Parti Socialiste, il faut que l’on prenne la mesure, dans un pays qui est maintenant marqué par un système de tripartisme (la gauche, le Front National, et la droite), de ce que veut dire l’indivision, la concurrence permanente. Il faut trouver les chemins du rassemblement, chacun prenant ses responsabilités. Nous devons, par-delà nos divergences, mettre les choses sur la table et retrouver des manières d’avancer ensemble sinon on aura du mal à s’en sortir demain. Si nous n’avons pas tout cela, on va connaître d’autres désillusions.

TI : Est-ce plus une défaite du Parti Socialiste ou un échec de la politique menée par François Hollande et Manuel Valls ?

CB : C’est tout d’abord une défaite de l’Europe. C’est ensuite une défaite de tous les partis, et donc du Parti Socialiste. Les Verts perdent la moitié de leurs voix, le Front de Gauche la moitié de ses sièges, l’UMP recule de façon considérable, le centre n’émerge pas, les petites listes se dispersent…le seul gagnant est le Front National. C’est un nouveau message adressé au président de la République, à la majorité, au gouvernement, qui pour moi est le même qu’aux élections municipales. Il nous faut plus de résultats et plus de justice au niveau de l’inscription sociale. Cela nécessite de l’avoir à l’esprit pour le travail que nous avons à faire dans les mois à venir. Mais au-delà du gouvernement, je pense aux chefs d’entreprise et aux organisations patronales, tout le monde a la responsabilité, au moment où le pays s’applique à aider ces entreprises, de faire que ces efforts se traduisent pour nos concitoyens, c’est-à-dire en investissements, en créations d’emplois, en développement de formations pour les chômeurs… C’est indispensable.

TI : Le Parti Socialiste a également reçu une sévère défaite en Midi-Pyrénées, avec la vague bleue qui s’est abattue lors des élections municipales et la victoire du Front National aux européennes, également en tête dans la région avec 24,71% des votes. Après cela, comment gérer ces échecs localement ?

CB : Le parti de Haute-Garonne reste fort, implanté. Bien sûr, nous avons eu des défaites, mais aussi des victoires. Nous sommes quand même dans une situation assez solide. Ce que j’ai dit pour le pays est tout à fait vrai pour la Haute-Garonne. Il faut aller à la reconstruction dans les communes que nous avons perdues mais plus globalement à la rencontre de nos concitoyens. C’est toujours difficile quand on a perdu, mais il ne faut pas se renfermer. Au contraire, il faut relever la tête et aller à la bagarre pour défendre ce que nous avons à faire. Je le redis, tout cela est lié à des résultats de politiques gouvernementales. Si demain le chômage continue à augmenter, évidemment cela va être compliqué de convaincre.

TI : Joël Bouche, 1er secrétaire fédéral du Parti Socialiste de la Haute-Garonne, a fait savoir qu’il quittera ses fonctions au plus tard avant l’été. Est-ce une bonne décision suite au couac des élections législatives partielles ?

CB : C’est à lui de s’exprimer. Personnellement, je n’ai pas pour habitude de faire ce genre de révélation publiquement. Si j’ai des choses à dire à mes camarades, je le dis devant eux. Je ne m’exprime jamais publiquement sur ces sujets-là parce que je suis convaincu que ce n’est pas un sujet qui intéresse les Français. De plus, on ne fonctionne pas comme cela entre nous. On se parle franchement. En public on s’occupe des problèmes des Français et non ceux des socialistes.

 

Propos recueillis par Charles Monnet