La deuxième rocade de… Pierre Izard

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La question des transports est centrale au quotidien pour des centaines de milliers de personnes de la grande agglomération toulousaine. Cette période estivale peut être l’occasion d’une série d’article sur cette thématique, en s’intéressant notamment aux Autorité Organisatrice du Transport (AOT).

 

À tout seigneur tout honneur. Commençons donc par… le Conseil Général de la Haute Garonne (CG31). Et oui, il s’agit d’un acteur de premier plan, même s’il n’est que peu visible par rapport à Tisséo ou aux TER de la Région. Le CG31 peut se permettre de jouer les premiers rôles grâce à une capacité financière hors norme. Roi du pétrole dans un sud-ouest globalement modeste, notre Conseil Général peut se montrer généreux, et il dépense en conséquence à tour de bras pour épuiser son budget de 1,5 milliards d’euros. Cela lui permet notamment d’aller bien au-delà de ce qui lui est imposé par la loi, tant en ville qu’à la campagne. Outre les gratuités (scolaires, demandeurs d’emploi), le CG31 propose un tarif avantageux sur ses lignes de bus. Pour montrer sa puissance, il a d’ailleurs construit une nouvelle gare routière, à côté de la gare Matabiau. Un choix dicté par la volonté d’être visible en centre-ville. Il néglige en effet le côté pratique, un site en bord de rocade, relié à la gare par le métro comme les Argoulets, aurait été bien plus judicieux pour éviter aux bus du CG31 d’être bloqués en ville. Cette volonté d’être visible s’explique par la lutte d’influence larvée que se livrent la ville de Toulouse, le département et la région. La charge des départements périphériques éloignant quelque peu l’instance régionale, la majorité des tensions étant entre Toulouse et la Haute Garonne.

Opposants mais partenaires contraints, Toulouse et le CG31 ont par exemple créé ensemble le syndicat mixte des transports en commun de Toulouse, ancêtre de Tisséo, s’en partageant la présidence. Le Conseil Général participe également financièrement aux divers projets tels le métro et le tramway, même si cela est parfois fruit de fortes tensions pouvant aller jusqu’au clash provisoire. Par extension le département apporte également sa contribution à des projets comme la ligne TGV Bordeaux-Toulouse. Au final peu de projets de transports publics ne sont pas financés, au moins en partie, par le très riche CG31.

 

La jolie seconde rocade rose de Pierre Izard

À lire les lignes précédentes on pourrait se dire que le CG31 est un champion du transport en commun. Pour tempérer cet éventuel enthousiasme, il est judicieux de rappeler que cette institution est un gros financeur de routes et de bitume. Par exemple, le CG31 prend à sa charge la réfection des routes des communes rurales (qui sont normalement sous la responsabilité de ces communes), à hauteur de 10% de la voirie des communes concernées par an, ce qui représente donc tous les ans 10% de la majorité des 8900km de chaussée communale de la Haute Garonne. L’instance départementale s’occupe également bien évidemment de ses routes, les 6700km de routes départementales. Outre les réfections, aménagements, mises en sécurité, agrandissements, un peu partout sur le territoire, le CG31 s’est construit une vraie route bien prestigieuse, une rocade toulousaine ! Au cours des années 90, le Conseil Général a en effet doublé la rocade ouest qui venait tout juste d’être finie après 35 ans de longs travaux, avec la rocade arc-en-ciel (nom officieux provenant du logo du CG31, comme les bus arc-en-ciel) et le fil d’Ariane. Ce doublement sera complété sous peu par l’extension du fil d’Ariane au nord, pour desservir le futur Parc des Expositions qui déménage au milieu des champs, et par un raccordement à l’autoroute qui part vers Bordeaux. Pour 6,5 kilomètres, 82 millions d’euros seront nécessaires, dont 15M€ pour le seul pont sur la Garonne. Quand on veut, on trouve les sous… Notons que ce projet est dans les cartons depuis une dizaine d’années, mais qu’il a pris du retard notamment à cause de la présence indélicate d’une zone Natura 2000 sur le tracé. Mais bien fou l’oiseau ou le petit insecte arrogant qui croyait pouvoir empêcher la construction de la jolie seconde rocade rose de Pierre Izard (qui sur ce sujet rocade a pris une nette avance sur Jean-Luc Moudenc). Enfin, la Dépêche de fin juin annonce le prolongement de cette seconde rocade également au sud, le long du boulevard d’Eisenhower. Si l’organe de presse officiel du CG31 le dit, on peut s’attendre à ce que la seconde rocade ouest soit achevée d’ici 2020.

Pour la petite histoire, le CG31 avait également participé en 1998 avec les autres collectivités locales concernées, au financement de la destruction du péage construit en 1996 au sud de Toulouse sur l’autoroute partant vers les Pyrénées, et au paiement d’une compensation à l’exploitant. La mobilisation des riverains et des salariés de la zone industrielle attenante avait été forte, et a donc eu raison de ce péage.

 

Quid du vélo et du covoiturage

À construire et rénover autant de routes tous les ans, on ne peut que regretter que si peu de moyens soient mis sur la construction de pistes cyclables. Si le CG31 l’avait voulu, en une dizaine d’année le territoire du département aurait été maillé de milliers de kilomètres de pistes cyclables. Mais à part la piste de loisir le long du canal du Midi, pas grand-chose à se mettre sous la dent à ce niveau-là. Et alors que certains Conseils Généraux innovent, comme en Bretagne, en proposant des bus avec possibilité d’accrocher le vélo à l’arrière, je souhaite bien du courage à quiconque souhaiterait transporter un vélo dans un bus arc-en-ciel. Pour finir sur l’exemple breton, signalons que le Finistère et la Loire Atlantique mènent des politiques extrêmement actives en matière de covoiturage, avec la création de tout un réseau de plus de cinquante parkings relais sécurisés. Le département du Tarn a également eu la bonne idée de construire quelques-unes de ces aires à chaque échangeur le long de l’autoroute Toulouse-Albi. Dans ces départements, le succès est au rendez-vous via une fréquentation importante de ces équipements. Ce type d’infrastructures, peu coûteuses, fait cruellement défaut en Haute Garonne, où les automobilistes sont souvent contraints de se garer à la sauvage le long des routes, notamment à proximité des échangeurs. Ce type de pratique n’est pas forcément de nature à encourager la pratique du covoiturage, ni a en donner une bonne image. Cela met également en danger les occupants des véhicules ainsi stationnés lorsqu’ils changent de voiture. À croire que le vélo et le covoiturage ne sont pas des pratiques assez prestigieuses pour notre riche et puissant Conseil Général. Espérons qu’il se diversifie un peu avant de se lancer également dans la construction de la seconde rocade est, juste pour embêter la droite…

 

Chronique signée par Julien Faessel, ancien secrétaire d’Europe Ecologie les Verts à Toulouse que vous retrouverez un jeudi sur deux sur Toulouse Infos ou sur son blog .