AZF : interview croisée de deux témoins de la catastrophe

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Ce samedi à 10h17, cela fera 12 ans jour pour jour que l’usine AZF a dévasté la ville rose entraînant la mort de 31 personnes et faisant 2 500 blessés. A quelques jours de l’ouverture du procès en cassation, nous avons rencontré Jean-François Grelier, président de l’association des sinistrés du 21 septembre et Jacques Mignard, président d’« AZF  mémoire solidarité ». Retour avec eux sur ces 12 ans et sur leur combat face à Total.

 

Toulouse Infos : Vous souvenez-vous ce que vous faisiez le 21 septembre 2001 à 10h17 ?

Jean-François  Grelier : Le jour j, j’étais chez moi, je travaillais sur mon bureau qui avait vu plongeante sur AZF. Je peux dire que je suis l’un des rares témoins directs de l’explosion. Lors de celle-ci, le souffle m’a projeté à travers ma porte-fenêtre. Très gravement blessé, j’ai eu la chance d’arriver à temps à l’hôpital, sinon je ne serais pas là pour témoigner.

Jacques Mignard : Je l’ai vécu de manière active étant à l’époque membre du service de sécurité du site. Lors de la catastrophe, j’ai été très mobilisé de par ma fonction, j’ai participé au repérage des victimes et leurs identifications. J’étais à 250m de l’explosion et pourtant j’ai été miraculeusement épargné, je pense que c’est grâce au pc de sécurité qui était renforcé et m’a apporté une grande protection.

T.I : Où en sont vos associations ?

J.F.G : Dans la même situation qu’il y a 10 ans, nous avons un adversaire coriace qui a des moyens illimités et il faut qu’on essaye de faire face avec nos maigres moyens en face. Il y a la cassation qui se prépare et il nous parait indispensable de résister face au rouleau compresseur de Total.

J.M : Nous avions 700 adhérents et nous sommes à présent 400. Certains sont morts ou ont eu le besoin de tourner la page et partir ailleur, certains reviennent le 21 pour la commémoration. Après nous sommes heureux d’être une association qui a une activité constante.

T.I : Par rapport à ce procès, quelles sont vos attentes et vos craintes ?

J.F.G : C’est très long, nous avons eu 4 mois et demi dans chaque instance et nous étions quasiment les seuls à soutenir la thèse de l’accident industriel. On a été méprisé et ignoré des médias, et finalement le jugement a correspondu à nos attentes et la culpabilité de l’industriel a été affirmée de manière incontestable. Nous avons notre part dans cette décision. Pour la cassation, on verra ce que ça donnera. Mais c’est insupportable pour nous, sinistrés, de voir le procès être relancé pour une question de forme, ça n’a rien à voir avec l’enquête et n’est qu’une faille dans le droit pour casser ce système.

J.M : Nous avons été les premiers à nous pourvoir en cassation. Plusieurs choses nous ont marqué, une disparité éhontée dans le traitement des sinistrés et la cause de l’accident industriel que nous ne considérons toujours pas comme la vraie cause. Nous désirons que plusieurs actes soient engagés, car ils nous ont été refusés sans aucune raison par le passé. Le mélange des deux produits pour nous est une faible explication. La préoccupation de notre association est de faire toute la lumière sur cette l’affaire.

T.I : Et pour ce qui est de la cérémonie du 21 septembre, comment va-t-elle se dérouler pour vous ?

J.F.G : Il est hors de question de baisser la tête et se recueillir au côté des représentants de Total et leurs partisans devant la stèle. Nous allons faire comme chaque année, aller au rond-point du 21 septembre afin de nous rassembler, mais aussi faire le point afin d’affronter la cassation à venir.

J.M : Il y a une stèle des salariés qui a été confectionnée en octobre/novembre 2011. Tous les ans, nous nous retrouvons dans le site autour de cette dernière. La cérémonie sera assez brève, nous tenons à faire simple et sobre. Depuis quelques années les salariés ont demandé à se retrouver après la commémoration et nous avons une salle municipale où nous nous retrouvons. Jusqu’en 2011, nous étions les seuls à se rassembler sur le site, et il y a eu ensuite le monument, et nous avons fait le choix de laisser ceux qui le désirent s’y rendre après, personnellement je vais y déposer une gerbe chaque année.

T.I : Quel est l’avenir de vos associations ?

J.F.G : Nous avons vocation à défendre les intérêts des sinistrés, donc nous serons contraints de continuer à faire entendre cette voix aussi longtemps qu’il le faudra. Il est nécessaire de ne pas laisser Total faire la loi au prétexte que c’est la première capitalisation française au monde.

J.M : Notre association n’a pas la même vocation que d’autres qui sont sur une recherche d’indemnisation ou de défense des sinistrés. Nous sommes des anciens salariés d’AZF et notre but est de garder un lien au travers d’AZF mémoire et solidarité. Nos buts sont de rechercher la vérité sur la catastrophe, mais aussi mettre en place des activités entre anciens salariés qui le souhaitent sur des thèmes comme des voyages, des marches, cours d’informatiques, etc….

 

Propos receuillis par François Nys