AZF: « des journalistes ont reçu l’ordre d’en dire le moins possible »

904

Pierre Grésillaud, ingénieur civil des mines spécialisé dans le développement informatique, se passionne pour l’affaire AZF depuis maintenant huit ans. Ancien gérant d’une PME appliquée au traitement de données, l’homme enseigne actuellement dans un organisme privé de la Ville rose. La recherche de la vérité sur cette explosion monopolise toujours aujourd’hui toute son énergie. Entretien.

 

Toulouse Infos: Comment vous êtes vous retrouvé plongé dans le procès AZF ?

Pierre Grésillaud: En 2004, j’ai éveillé l’attention du juge Perriquet suite à mon témoignage sur les images de l’hélicoptère inconnu filmé par M6-Toulouse juste après l’explosion. Il m’a sollicité pour mes connaissances de maintenances héliportées spécifiques et sur la possibilité de développer un outil informatique pour la gestion du dossier judiciaire AZF-Toulouse. Dès août 2004, j’ai donc pu avoir accès à ce dossier et y découvrir des anomalies graves, notamment dans le traitement des données sismologiques.

 

T.I: Quel regard portez-vous sur la version officielle de l’explosion et sur l’instruction menée?

P.G: Des centaines de choses sont incohérentes. J’avais déjà communiqué au procureur en octobre 2005 une liste d’anomalies qui se trouvent dans le dossier judiciaire. Elle est toujours d’actualité et attend toujours des réponses. Sur l’instruction, le procureur Michel Bérard a d’emblée orienté l’enquête vers l’accident chimique. Voici l’intitulé du réquisitoire introductif de l’enquête du 28 septembre 2001 : « homicides involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. » N’est-ce pas une orientation immédiate vers une voie unique ? En outre, certains journalistes m’ont confié avoir reçu l’ordre de la part de leur rédaction d’en dire le moins possible sur l’affaire. Quant à savoir pourquoi, il faudrait leur poser la question.

 

T.I: L’étude publiée par Préventique vous parait-elle sérieuse et crédible?

P.G: Elle ne pourra être évaluée que si l’ensemble des données et des études qui manquent dans le dossier est bien collecté. Cette étude montre à quel point l’enquête judiciaire est déficiente. Je m’associe, en tant qu’ingénieur, à M. Seillan qui annonce clairement que l’ensemble du monde scientifique s’insurge contre une thèse officielle incohérente et inacceptable.

 

T.I: Pourrait-il y avoir eu, comme évoqué dans cette publication, des bombes datant de la seconde guerre mondiale sous le fameux hangar 221?

P.G: Claude Navallon avait étudié cette possibilité, photographies aériennes de 1944 à l’appui. Elle a été en partie contrée par l’expertise de la société Bérengier en décembre 2001. Mais celle-ci avait trouvé sur des mesures magnétométriques, d’autres éléments très importants sous et à côté du cratère. Ils n’ont jamais été approfondis par la suite. Ils pouvaient coïncider avec des éléments de structures souterraines passant sous le cratère, indiqués sur un plan étrangement ignoré par les experts judiciaires. Où sont passées leurs investigations sur l’ensemble de ces terrains militaires qui englobaient AZF ? Le 13 décembre 2011, une explosion a eu lieu à 1800 mètres du site sous une dalle de la société Saica Pack, provoquant un cratère de plus de 20 m2. Elle a été expliquée, selon la préfecture, par la présence de poudres anciennes des stockages de la Grande Poudrerie. Pourquoi ceci a-t-il été révélé que fin février 2012 ? Ce sont des questions en suspens.

 

T.I: Sans parler de théorie, quel est selon vous le scénario le plus probable de l’explosion?

P.G: Je refuse aujourd’hui de rentrer dans des hypothèses pour un scénario général. Je préfère m’attacher à regarder le dossier judiciaire, constater qu’il manque beaucoup trop de données et continuer à soutenir une démarche de réouverture d’enquête avec tous les compléments d’information nécessaires. Sans cela, il est clair que la vérité n’a aucune chance d’éclater.

 

Propos recueillis par Christophe Guerra