Grève illimitée chez Total: demain, tous en Vélib?

378

Dans les six raffineries de Total, le personnel est en grève depuis une semaine déjà. Photo / CTDRDans les six raffineries de Total, le personnel est en grève depuis une semaine déjà. Alors que la grève illimitée vient d’être prononcée et que les exigences des salariés ne laissent aucune chance à des éventuelles concessions, la pénurie menace d’immobiliser une grande partie du pays.


La position des salariés.

En septembre 2009, Total entend fermer la raffinerie de Dunkerque et stoppe toutes ses activités. Malgré un taux de syndication de moins de 20% chez les salariés de la raffinerie, leur réaction est immédiate; Pour eux, pas de concession, et la grève est annoncée. Les tentatives de négociations de l’entreprise s’avèrent infructueuses et, pour ainsi dire, alimentent le conflit. Dans une région où plus de 20 000 emplois dépendent de l’industrie pétrolière, et au vu de la vague de mobilisation intersyndicale constatée dans toute la France, l’avenir de la grève ne semble pas compromis.


Du côté de chez Saoud.

De son côté, suite au déclin de la consommation d ‘essence, Total ne réalise plus assez de bénéfices avec sa raffinerie des Flandres. Le groupe entend ainsi délocaliser celle-ci en Arabie Saoudite, afin d’échapper notamment aux taxes écologiques qui seront sans doute bientôt imposées en France.

L’entreprise pétrolière se trouve de ce fait face à un dilemme épineux: réaliser davantage de bénéfices ou apaiser le malaise social croissant.

Afin d’assouplir le débat, Total a décidé d’avancer du 29 au 8 mars la date de la réunion du comité central d’entreprise, garantissant une avancée plus rapide de la discussion.


Vers une psychose des usagers?

Hier, à Toulouse comme à Rennes et en Loire-Atlantique, plusieurs sites de distribution d’essence étaient momentanément à sec. Les usagers, redoutant la pénurie annoncée par les syndicats et les médias, se sont en effet précipités sur les pompes, amenuisant davantage les stocks en pétrole. « Nous pensions pouvoir tenir au moins quinze jours », avoue Dominique Bur, préfet de Haute-Garonne, « mais cette marge s’est amoindrie de façon imprévue. » La réaction des usagers est grandement motivée par les mouvements syndicalistes qui, malgré la volonté de tempérance de l’état et de la préfecture, annoncent une pénurie toujours plus imminente.


Un pays littéralement atterré?

Le kérosène n’est pas en reste dans cette affaire. Si la grogne des usagers met en exergue l’impact de cette crise chez les particuliers, le secteur de l’aviation risque de souffrir également. Pour le moment, néanmoins, Airbus ne semble pas inquiet. « Nous avons plusieurs fournisseurs. De plus, nous n’utilisons le kérosène que pour les vols d’essai et les vols inter-usine de Beluga, pour transporter des pièces. En cas de pénurie, nous possédons un stock qui permettrait de tenir dix jours. Ensuite, nous n’aurions qu’à réduire la fréquence des transports de matériel », précise Jacques Rocca, attaché de presse de l’entreprise. « En ce qui concerne les vols d’essai, ils pourraient être reportés. »

L’aéroport Toulouse-Blagnac, qui ne souhaite pas se prononcer sur la question, se verra cependant beaucoup plus affecté en cas de manque de kérosène.

En cas de pénurie à moyen-terme, l’État possède une réserve stratégique de pétrole. Cependant, ceux-ci doivent normalement servir pour faire face à un incident international majeur, non des tensions domestiques. Dans un pays où les partenaires sociaux possèdent une emprise particulièrement forte sur les entreprises, l’État sera-t-il forcé de faire converger ses ressources de politique étrangère vers la résolution de problèmes internes?

 

Margaux Benn