La librairie occitania, sanctuaire littéraire de la culture des Pays d’Oc

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Librairie Occitania
Ctoulouse infos

Créée en 1946 par Marcel Thourel, la Librairie Occitania installée à Toulouse, possède dans ses murs une multitude d’ouvrages en occitan, comme autant de témoignages sur une culture qui connaît depuis quelques années un vrai renouveau.

 

Jérôme Thourel, fils de Claude Thourel et petit-fils de Marcel Thourel, nous reçoit dans ce qui pour lui est l’héritage d’une passion transmise de génération en génération. Ce goût pour la culture et la diffusion du savoir par le livre s’exprime dès l’entrée de la boutique, qui, sans prétention va en 2016 fêter sa septième décennie.

 

 

Toulouse Infos : Quand avez-vous décidé de lier l’histoire de votre librairie à celle de la littérature occitane ?

Jérôme Thourel : Au départ, mon grand-père a commencé en faisant de la location de livres à Montauban. C’était après la guerre, et à l’époque les gens lisaient beaucoup. Ils payaient une caution qui leur permettait d’emprunter le livre, et au retour du livre, il leur était remis une partie de cette caution. Après quelques années, il s’est lancé dans la vente de livres sur les marchés de Midi-Pyrénées. En réalité, l’envie de proposer de l’occitan est arrivée bien plus tard. C’est mon père qui dans les années soixante, après avoir repris la librairie, a commencé à en proposer lorsque l’un de ses clients, Monsieur Taupiac, un linguiste reconnu le lui a suggéré. Il s’agit d’une spécialisation que nous proposons en plus des ouvrages que l’on peut trouver dans une librairie classique.

 

TI : Dans cette partie de la librairie consacrée à l’occitan, quelles grandes périodes de l’histoire littéraire de cette culture proposez-vous ?

JT : Dans le choix que je propose, cela va de la période des Troubadours à aujourd’hui, en passant par toutes les grandes périodes de la Renaissance. Cependant, de nombreuses publications paraissent chaque année, en particulier depuis le début des années deux-mille. Ici par exemple, je propose quatre catalogues annuels de livres anciens et modernes, disponibles à la demande.

 

TI : Quel est le profil des personnes concernées par le choix que vous présentez ?

JT : La partie dédiée à la culture occitane attire surtout des étudiants, des enseignants, mais aussi des gens qui parlent la langue ou qui souhaitent en savoir davantage. Il s’agit d’un public très large qui touche toutes les générations.

 

TI : Visiblement l’occitan semble intéresser beaucoup de monde. Pourriez-vous envisager de ne proposer que des ouvrages en occitan ?

JT : Ne proposer que de l’occitan est aujourd’hui impossible à moins d’obtenir des subventions. La demande n’est pas encore suffisante pour permettre à un libraire d’en vivre. De plus, il vous faut savoir qu’il ne reste que très peu de librairies qui proposent de l’occitan. Celles qui restent, si elles ne résistent pas, ferment sans que soit proposée une nouvelle offre.

 

TI : Dans ces conditions, peut-on penser que la transmission de la culture occitane est en danger ?

JT : Le fait que les librairies ferment est davantage à rapprocher avec une crise du livre en général et à l’évolution des supports numériques. Concernant la culture occitane et sa transmission, elle a cette force d’avoir une tradition orale. Les gens qui parlent l’occitan ne vont pas forcément entrer dans une librairie pour y acheter un dictionnaire. Ils utilisent leur vocabulaire qui, en passant, est toujours très proche de celui que l’on retrouve dans les livres. Enfin, depuis les années soixante-dix, il y a un renouveau de l’occitan. De nombreuses Calandreta, ces écoles maternelles bilingues, refusent souvent du monde, ce qui montre malgré tout, un certain engouement.

 

Un engouement qui prouve que la culture des Pays d’Oc possède encore de vraies ressources, et que portée par l’oralité d’une tradition ancestrale, elle est capable de traverser les âges, renforcée par une production écrite, outil désormais indispensable, qui lui permet de résister aux transformations dues à la modernité.

 

Librairie Occitania – 46, Rue du Taur à Toulouse.

 

 

Bruno Samé