Exclu. Jean-Luc Moudenc : « Nous avons réussi à changer l’ambiance de la ville »

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Jean Luc Moudenc dans son bureau. Photo / CTI

Avant de s’exprimer sur ses relations tendues avec Pierre Cohen et sur sa vision de la situation de l’UMP dans un entretien publié demain, Jean-Luc Moudenc revient, dans une longue interview accordée à Toulouse Infos, sur son passage dans l’opposition, sur sa gestion de certains dossiers comme l’IEP ou le CEA Tech et confirme qu’il n’augmentera pas les impôts. Entretien.

 

Toulouse Infos : Ça fait 150 jours que vous avez été élu, êtes-vous satisfait du travail accompli ?

Jean-Luc Moudenc : Je suis satisfait parce que, comme je l’avais promis aux Toulousains, l’équipe s’est totalement mise au travail. Nous avons réussi en peu de temps à changer l’ambiance de la ville. Je reçois beaucoup de témoignages de Toulousains qui apprécient les changements concernant la sécurité ou la propreté par exemple. Ils voient bien que nous respectons nos engagements et que nous n’avons pas figé la ville en cassant systématiquement les projets de nos prédécesseurs.
TI : Quelle est la différence entre le Jean-Luc Moudenc de 2008 et celui d’aujourd’hui ?
JLM : J’arrive avec une expérience supplémentaire… qui est celle de la défaite. L’opposition m’a permis de me remettre en cause et de poser un regard neuf sur un certain nombre de sujets. Mon équipe est également renouvelée par rapport à celle proposée aux Toulousains en 2008. Et puis, j’ai été élu par les Toulousains directement sur mon nom1, ce qui me confère automatiquement une autorité politique que je n’avais pas en 2008.

 

L’IEP va pouvoir se développer sans renoncer à ses ambitions

 

TI : Plus concrètement, début juillet, vous avez annoncé que Sciences Po ne déménagera pas quai Saint-Pierre. Une décision qui n’a pas fait l’unanimité. Vous comprenez les positions de Philippe Raimbault, directeur de l’IEP, Pierre Cohen ou encore Martin Malvy ?

JLM : Je pense que nous avons pris une bonne décision. Je dis « nous » car il n’y a pas eu de position unilatérale du maire de Toulouse. « Nous », c’est le président de l’université, le préfet, la rectrice et moi. C’est une bonne décision pour l’IEP qui va pouvoir se développer sans renoncer à ses ambitions. Je rappelle qu’en début d’année, il avait consenti aux riverains contestataires une réduction de son projet, qui allait le mettre en difficulté dans quelques années. L’IEP se serait installé, et au bout d’un, deux ou trois an, le problème de place se serait posé à nouveau. Grâce à la solution que nous avons construite, l’IEP ne renoncera pas à un seul mètre carré de son projet.

C’est aussi une bonne décision pour le patrimoine toulousain. En effet, implanter un geste architectural qui était sur un plan esthétique une agression pour l’environnement patrimonial du quai Saint-Pierre aurait été un mauvais coup porté au patrimoine toulousain. Si mon devoir en tant que maire de Toulouse est de favoriser le développement de la ville, je me dois également de préserver «l’âme» toulousaine.

TI : Concernant Martin Malvy, il ne serait pas temps de vous parler. Ces allers-retours de lettres ouvertes (mi-juillet) ne sont-elles pas un peu ridicules ?

JLM : J’ai trouvé cela très surprenant de recevoir cette lettre. Dans l’accord que nous avions bâti, à aucun moment la région n’était en cause. Mon souhait, et je l’ai dit à Martin Malvy dès ma prise de fonction, est d’établir une relation de travail entre la Région et la métropole, basée sur la confiance et l’intérêt général plutôt que les querelles politiques. Je souhaite que cette vision de nos relations soit réciproque.

TI : Concernant la perte du CEA Tech, vous devez rencontrer Jean Therme, le directeur du CEA Tech, début septembre, les choses ne sont-elles pas déjà jouées ?

JLM : Je vais en effet rencontrer Jean Therme en septembre. Même si on m’a fait comprendre qu’en réalité, c’était joué avant les élections, je ne compte pas en rester là. Je considère que l’exécutif précédent a été défaillant mais je ne ferai pas de polémique. Je vais donc explorer toutes les possibilités de sauver le projet, notamment en proposant une solution concernant le financement du foncier. Peut-être qu’on y arrivera, peut-être qu’on n’y arrivera pas, mais j’ai en tout cas du mal à m’avouer vaincu. Quand une bataille est perdue, je me dis que la guerre ne l’est pas forcément.

 

Le tarif est plus juste que l’impôt

 

TI : Vous parliez un peu plus haut de votre intention de ne pas augmenter les impôts mais dans le même temps vous avez voté la hausse des tarifs Tisseo, des inscriptions en crèche et Clae, est-ce que ce ne sont pas des impôts déguisés ?

JLM : Non, tout le monde paye des impôts alors que la hausse des tarifs n’est supportée que par les utilisateurs. Le tarif est plus juste que l’impôt. Il faut le dire, la différence entre le tarif et l’impôt, c’est la solidarité. Concernant l’augmentation des tarifs Tisséo, nous y avons été contraints par l’augmentation de la TVA décidée par le gouvernement. C’est quand même extrêmement malhonnête intellectuellement de voir certains élus soutenir le gouvernement qui décide d’augmenter la TVA sur les transports en commun, et en même temps critiquer le fait que la collectivité veuille neutraliser cette augmentation, par l’adaptation des tarifs.

TI : Un tarif social pourrait être étudié ?

JLM : La chambre régionale des comptes (qui est une autorité de justice) nous demande d’étudier l’idée. Moi je souhaite que l’on fasse ces études, et qu’après on ouvre le débat. Il est certain que dans la période que nous traversons, on ne doit pas refuser de s’interroger sur des mesures de justice sociale.

 

Mon devoir est de faire des choix de bonne gestion

 

TI : Vous avez terminé votre campagne en mettant en avant la culture comme le thème phare de votre projet, et on a l’impression que c’est elle qui fait les frais des premières restrictions budgétaires : maison de l’Image, spectacle de Skertzo, on parle d’un possible arrêt de la Novella…

JLM : Ce sentiment sous-estime l’immensité de la richesse de la vie culturelle toulousaine, qui n’est en rien atteinte par nos décisions. La Maison de l’Image était un projet creux à 20 millions d’euros d’investissement et 2 millions de coûts de fonctionnement par an. Concernant Skertzo, si les 200 000 euros payés pour la création de ce spectacle étaient cohérents, les 200 000 euros que coutait la même projection les années suivantes me semblaient surévalués. La situation financière de Toulouse est dégradée. Quand j’ai remis les clefs de la mairie à Pierre Cohen en 2008, il y avait 140 millions d’euros d’épargne. Lors de ma prise de fonctions en 2014, il n’en reste plus que 17. De plus, huit jours après mon élection, le gouvernement annonce 28 milliards de baisses de dotation de l’État aux collectivités locales. Mon devoir de maire, qui a promis de ne pas augmenter les impôts municipaux et qui respecte cette promesse et la respectera, est donc de faire des choix de bonne gestion.

TI : Et concernant la Novella, projet mis en place par votre prédécesseur, un arrêt est-il envisagé ?

JLM : L’édition 2014 est maintenue. Pour la suite, j’ai demandé à Francis Grass de me faire un retour sur cette manifestation, mais aussi sur d’autres. J’ai toujours dit que je trouvais le concept intéressant mais je m’interroge sur l’ampleur des moyens financiers que la collectivité y consacre, et sur le public touché, qui est en deçà de ce qu’on peut espérer pour un tel investissement.

TI : Pour terminer cette première partie de l’entretien, parlons de sport. Cette année encore le Tour de France, qui a traversé la région pendant quatre jours a été un véritable succès populaire. Pendant la campagne vous parliez de mettre en place des évènements populaires tous les ans. Allez-vous vous positionner pour recevoir le tour dans les années à venir ?

JLM : Écoutez, oui, j’ai fait venir le Tour de France à Toulouse en 2007. Je pense effectivement qu’il faut que nous ayons des évènements sportifs mais la conjoncture financière nouvelle est difficile, et commande d’être prudent. C’est sûr que cette année, ça ne sera pas possible. Créer des évènements, ça a un coût. Il faut être attentif car les Toulousains attendent des évènements ou des services, mais il faut des réalisations structurantes qui développent le territoire…et on ne peut pas tout payer à la fois. Il y a la troisième ligne de métro, le parc des expositions, le TVG, l’aménagement de Matabiau… Autant d’éléments structurants que nous préparons, et qui sont à mes yeux prioritaires.

 

Retrouvez la suite de l’interview demain sur Toulouse Infos : Jean-Luc Moudenc abordera les projets structurants de son mandat, de la future métropole, de ses relations tendues avec Pierre Cohen et de sa vision de la situation de l’UMP.

 

Propos recueillis par Guillaume Truilhé avec l’aide de Nicolas Drusian

 

1. Le 6 mai 2004, JL Moudenc est élu maire de Toulouse, à la suite de la démission de Philippe Douste-Blazy, appelé au gouvernement.